Né en 1946, Laurent Fabius a connu et dirigé les trois pouvoirs de la République française : l’exécutif, lorsqu’il fut le premier ministre de François Mitterrand (1984-1986), le législatif avec la présidence de l’Assemblée nationale (1988-1992 et 1997-2000) et la plus haute autorité juridique, avec la présidence du Conseil constitutionnel, de 2016 à 2025. Alors qu’il a quitté, en mars, cette institution à la fois critiquée et considérée comme un rempart démocratique, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste (PS) analyse la configuration politique nationale et la géopolitique mondiale.

Quels enseignements tirez-vous de votre expérience à la tête du Conseil constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel est une institution essentielle qui veille à vérifier, non pas si les lois sont bonnes ou mauvaises, mais si elles sont conformes ou non à la Constitution. Mon prédécesseur et ami proche Robert Badinter [1928-2024] avait placé sur son bureau un carton où il avait écrit : « Toute loi inconstitutionnelle est mauvaise, mais toute loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. » Je ne saurais mieux dire.

Le Conseil constitutionnel n’a pas à prendre ses décisions pour des raisons politiques, mais il rend des décisions qui ont parfois des conséquences politiques. Or l’opinion juge souvent le Conseil en fonction de ces dernières, ce qui aboutit à des incompréhensions et des incohérences.

Deux exemples. En 2023, la loi politiquement contestée sur les retraites a été validée par le Conseil constitutionnel. Que n’a-t-on entendu sur ce « bastion du conservatisme » ? Mais, quelques mois plus tard, ce même Conseil censurait largement la loi sur l’immigration : cette fois, c’est tout juste si l’institution n’était pas devenue une officine gauchiste !

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