Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a entrepris de se débarrasser méthodiquement de tous ceux qui menacent de se mettre en travers de sa route, quels que soient leur fonction ou leur rang. Adversaires politiques, soutiens déchus, juges, universitaires, médias, avocats, fonctionnaires fédéraux en ont fait les frais. Lundi 25 août, le président des Etats-Unis a décidé de s’attaquer à l’un des membres du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale (Fed) des Etats-Unis, le conseil d’administration de la banque centrale américaine, chargé de décider de la politique monétaire de la première puissance économique du monde.

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M. Trump a annoncé le limogeage « avec effet immédiat » de Lisa Cook, qu’il accuse de fraude sur un emprunt immobilier souscrit avant sa prise de fonctions. Cette décision inédite n’a rien d’un énième règlement de compte. Révoquer ex abrupto un gouverneur de la Fed revient à remettre en cause l’indépendance de la banque centrale, pilier essentiel de la stabilité économique américaine et mondiale.

Derrière les accusations formulées à l’encontre de Mme Cook, qui, à ce stade ne fait l’objet d’aucune inculpation, il y a la volonté évidente de modifier les équilibres au sein de l’institution monétaire pour orienter ses décisions en fonction des desiderata de la Maison Blanche. Le départ de celle qui fut la première femme noire à un tel poste donnerait à M. Trump l’occasion d’obtenir une majorité de quatre membres au sein du conseil de la Fed, qui en compte sept.

Des conséquences en cascade

Depuis des mois, M. Trump multiplie les insultes et les pressions à l’égard de Jerome Powell, le président de l’institution. Il l’a menacé à plusieurs reprises de le remplacer, parce qu’il ne baissait pas les taux d’intérêt assez rapidement à son goût. Organe collégial et indépendant du pouvoir exécutif depuis 1951, le conseil des gouverneurs s’y est jusqu’ici refusé, principalement en raison de la guerre commerciale que le président américain a lui-même déclenchée et qui menace de relancer l’inflation.

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Le mandat de la Fed est justement de maintenir la stabilité des prix, tout en recherchant le plein-emploi. Baisser les taux de façon inappropriée en fonction d’intérêts politiques de court terme, à rebours des données économiques réelles, pourrait provoquer des dégâts considérables. En se conduisant ainsi, M. Trump entame le crédit des Etats-Unis, au sens propre comme au figuré.

La gouverneure de la Réserve fédérale Lisa Cook, à Jackson Hole (Wyoming), samedi  23 août 2025.

Au cours des dernières décennies, l’indépendance des banques centrales et la prédictibilité de leurs décisions ont contribué à la stabilité du système financier international. Fragiliser cet édifice par une ingérence politique directe sur les décisions de la Fed aurait des conséquences en cascade. Outre une baisse du dollar, la perte de confiance dans la fiabilité de la politique monétaire américaine entraînerait une augmentation de la prime de risque sur la dette à long terme des Etats-Unis et rendrait problématique son refinancement.

Une bataille juridique incertaine va désormais s’engager pour établir la légalité du coup de force de Donald Trump. Dans un avis rendu en mai, la Cour suprême a affirmé que le président des Etats-Unis ne pouvait pas révoquer les gouverneurs de la Fed, sauf pour « motif valable ». La crédibilité de l’institution est désormais suspendue à l’interprétation de cette formulation vague. A moins que les marchés financiers ne parviennent à dissuader Donald Trump d’effectuer ce que la plupart des économistes considèrent comme un dangereux saut dans l’inconnu.

Le Monde

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