Bloqué pendant des décennies, le débat sur le mode de scrutin refait surface en ce début de nouvelle législature. Soutenue par le MoDem ou le Rassemblement national [RN], l’introduction de proportionnelle lors des élections législatives a dû faire l’objet d’une ouverture par le premier ministre, Michel Barnier, dans sa déclaration de politique générale, le 1er octobre. En France, ce débat a souvent été guidé par des lieux communs et des a priori idéologiques plutôt que par une démarche scientifique.

Lire aussi le décryptage | Article réservé à nos abonnés Face au blocage politique, le retour du débat sur la proportionnelle

On reproche parfois à la proportionnelle de créer des frustrations dans l’électorat, alors que, avec environ un électeur sur deux ayant voté pour un parti de la coalition dans les pays à la proportionnelle, les études en sciences politiques montrent au contraire un taux de satisfaction plus élevé vis-à-vis des politiques publiques, ainsi qu’une participation accrue, de sept points en moyenne et de douze points chez les jeunes. On note également le fait que le mode de scrutin majoritaire à deux tours ne produit pas nécessairement des majorités absolues : ce ne fut par exemple jamais le cas sous la IIIe République, bien que ce mode de scrutin y fut en vigueur. Il n’en produit que dans des contextes de bipolarisation de la vie politique, avec des partis forts et en conjonction avec une élection présidentielle. A l’inverse, certaines modalités de proportionnelle produisent des majorités pléthoriques, voire écrasantes, comme les élections municipales en France.

Plutôt que de se payer de lieux communs, il serait donc plus judicieux de s’interroger sur quel type de proportionnelle adopter. Le RN est jusqu’à présent le seul parti à avoir avancé une réflexion sur le sujet. Longtemps marginalisé par le scrutin majoritaire à deux tours, il semble être aujourd’hui la seule formation à pouvoir espérer obtenir une majorité grâce à lui. Néanmoins, il reste partisan de la proportionnelle, mais exige à présent qu’elle soit renforcée d’une prime majoritaire [qui permet d’attribuer des sièges à la liste ayant obtenu le plus de voix]. Ce qui lui permettrait d’obtenir une majorité absolue. Derrière la technique se tapit donc un jeu très politique.

L’exemple allemand

Un mode de scrutin efficace combine représentativité et gouvernabilité. L’instrument le plus idoine pour y parvenir est un seuil de représentation. Avec la nécessité d’obtenir un minimum de 5 % au niveau national, le Bundestag allemand est aujourd’hui composé de six groupes politiques, contre onze pour l’Assemblée nationale, ce qui facilite la formation de majorités. Si l’on souhaite inclure une « prime majoritaire » au parti arrivé en tête, celle-ci ne devrait pas dépasser 10 % des sièges et pourrait fonctionner, comme autrefois en Italie, sur le principe de l’apparentement. Celui-ci permet à des partis concurrents lors de l’élection de s’associer : s’ils obtiennent, par exemple, 45 % des sièges au niveau national en additionnant leurs scores, une prime de 5 % leur permet d’obtenir l’appoint pour détenir une majorité.

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