Rien ne ressemble plus à un défilé militaire qu’un autre défilé militaire. Mais si le spectateur recule de trois pas et qu’apparaissent en arrière-plan les célèbres sites de Lourdes – la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, le sanctuaire Notre-Dame et la grotte de Massabielle, où la jeune Bernadette Soubirous aurait rencontré la Vierge Marie en 1858 –, c’est une autre affaire. Une affaire qu’a voulu explorer la photographe Anna Prokulevich, installée en France depuis une dizaine d’années.

La jeune Biélorusse, 27 ans, a découvert la cité mariale des Hautes-Pyrénées par hasard, en 2019, lors de la sortie sur les écrans de Lourdes, film documentaire de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, consacré à cette commune si particulière, ses pèlerinages et sa multitude de malades qui s’y rendent dans l’espoir de guérir. Elle découvre, stupéfaite, que la ville attire plus de trois millions de personnes chaque année et que soixante-dix miracles s’y seraient produits à ce jour, selon le décompte officiel de l’Eglise. Elle est surtout effarée d’apercevoir des uniformes dans la foule.

« Ces images sont entrées en résonance avec ma quête spirituelle, mes convictions pacifistes, ma sensibilité aux événements qui agitent le monde, et avec le poids de l’actualité que je trouve parfois très lourd », explique-t-elle. Sa curiosité aiguisée, elle décide d’entamer un travail sur le rapport entre guerre et religion. Au printemps 2022, elle part observer ce phénomène sur place, sans a priori. « J’avais avec moi un petit appareil photo, juste pour garder des souvenirs », dit-elle.

« Frappée » par la quantité d’uniformes dans les rues de Lourdes, elle apprend qu’un pèlerinage militaire international se déroule ici chaque année, en mai, et ce depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Durant trois jours, des soldats originaires de plus de cinquante pays s’y donnent rendez-vous dans le but, selon le diocèse aux armées françaises, d’« œuvrer pour porter la Miséricorde de Dieu dans le monde militaire et pour l’accompagnement des blessés ». A cette échelle, ce rassemblement est unique au monde.

Un lieu « étrange et paradoxal »

En 2023, puis en 2024, Anna Prokulevich revient, simplement armée cette fois de son Mamiya 645. Elle veut comprendre ce que peuvent bien avoir en tête ceux que le pape Jean-Paul II appelait les « sentinelles de la paix »… Alors qu’elle n’a aucune accréditation, l’armée lui garantit de pouvoir travailler librement dans la limite des espaces publics. Elle adopte alors la « position du serpent », une méthode qu’elle pratiquait étant petite, et qui consiste à « approcher quelqu’un sans jamais attaquer, en étant à la fois proche et lointain ».

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