Pierre Notte, à Paris, en 2014.

Le dramaturge et écrivain Pierre Notte a été mis en examen pour le viol de l’un de ses anciens élèves de théâtre au lycée de 2004 à 2005, a fait savoir une source proche du dossier à l’Agence France-Presse (AFP) lundi 6 mai, confirmant une information de Libération.

Ce dossier de la vague #metoo appliqué au théâtre a donné lieu à une garde à vue fin avril et à une confrontation filmée entre le metteur en scène réputé et primé, 54 ans, et le plaignant, un auteur âgé de 37 ans aujourd’hui. Pierre Notte a été mis en examen le 25 avril et placé sous contrôle judiciaire pour viol commis « par une personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction » entre mars 2004 et janvier 2005, alors que le plaignant avait 17 ans.

« M. Notte conteste fermement les accusations portées à son encontre. Il s’en remet pleinement aux services judiciaires, en lesquels il a toute confiance », a répondu à l’AFP son avocat, Jean-Baptiste Riolacci. Dans un e-mail adressé à Libération, M. Notte s’est dit « anéanti par la situation », affirmant avoir vécu « une histoire d’amour » où Alban K. n’était « ni terrorisé, ni impressionné, ni contraint, ni forcé, ni soumis ».

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« Il menaçait de se suicider »

Au moment des faits reprochés, Alban K. suivait l’option théâtre animée par M. Notte dans un lycée de région parisienne. Sa plainte, déposée avec constitution de partie civile en septembre 2022 et dont l’AFP a eu connaissance, décrit un élève « isolé et fragile », victime de harcèlement et souffrant de l’état de santé d’un père malade.

Dans ce contexte, les cours de M. Notte l’« émerveillent », confie Alban K. à l’AFP. « Au tout début, j’avais une image très positive de lui, ouvert, gentil curieux, protecteur. » Après un voyage scolaire en février 2004, où le professeur « fait en sorte de se rapprocher encore plus de l’élève » selon la plainte, l’adolescent lui propose un rendez-vous dans un café, mais M. Notte l’emmène chez lui.

Alban K. y décrit une première agression sexuelle. Il se retrouve confronté « à une sexualité qui le dépasse, le choque et le dégoûte » lors de « rencontres hebdomadaires et pendant les vacances scolaires », affirme la plainte. Alban K. se souvient avoir été « effrayé » par l’enseignant, « un vrai despote ». « J’étais conditionné à devoir lui prouver que je l’aimais, qu’il était le meilleur, sinon il menaçait de se suicider. »

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Première plainte en 2021

Leur relation se poursuit quand Alban K. entre à l’université. Il rompt en 2010, et part vivre au Canada. M. Notte a été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour viol conjugal de 2005 à 2011.

Représenté par Léa Forestier et Alix Aubenas, Alban K. dépose une première plainte en décembre 2021, écœuré par « l’impunité » de M. Notte qui foule les planches parisiennes avec une pièce « se réclamant du mouvement #metoo ». Pour le plaignant, son « impunité » se nourrit aussi du récit autobiographique Quitter le rang des assassins (édition Gallimard, avril 2018).

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M. Notte y raconte l’histoire d’un personnage, Not, qui « joue les saints » mais « tisse en maître la toile de son rapt de séduction » sur un jeune dont il loue le « corps d’enfant », selon ses propres mots. « Le réel ne lui suffit pas, il faut en plus l’écrire, le publier et en faire la publicité », s’indigne auprès de l’AFP Alban K., qui craint que M. Notte ne « foute d’autres personnes en l’air ».

La plainte cite également le journal du dramaturge, où il appelle l’adolescent « mon prince ». Cette vénération est « en décalage total » avec ce qu’Alban K. affirme avoir vécu : « Il décidait même de quand, et comment, je devais me laver, ne supportait pas que j’en prenne l’initiative. »

Après la rupture, le souvenir de M. Notte lui provoque des crises d’angoisse. Cette « peur s’évanouit », dit-il, lors de leur confrontation. « Je pensais que j’allais m’effondrer, mais c’est une colère froide qui s’est manifestée pendant quatre heures. J’ai pu répondre de manière très rationnelle à ses aberrations », affirme Alban K.

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Le Monde avec AFP

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