Plus de quinze millions de téléspectateurs ont suivi, mercredi 5 mars, l’allocution solennelle du chef de l’Etat. L’alerte d’Emmanuel Macron sur le grand basculement géopolitique provoqué par le rapprochement de Donald Trump et de Vladimir Poutine aux dépens de l’Ukraine et de l’Europe a été entendue. Les sondages réalisés dans les jours qui ont suivi convergent : les Français sont inquiets, ils ont intégré la menace russe, compris qu’ils ne pourraient plus compter sur les Etats-Unis pour les protéger et soutiennent le réarmement qui s’engage ou s’accélère en Europe.
Dans une interview à La Tribune Dimanche du 9 mars, le ministre de la défense, Sébastien Lecornu, a fixé l’horizon souhaitable des dépenses militaires françaises à 100 milliards d’euros annuels en 2030 contre 50 milliards d’euros aujourd’hui. En situation budgétaire normale, le doublement du budget militaire constituerait un défi.
Dans le contexte actuel, il met le pays au pied du mur : la France a accusé à la fin de l’année 2024 un déficit public de 6 % du produit intérieur brut (PIB) que le gouvernement espère tout juste contenir à 5,4 % cette année sans garantie d’y parvenir. Le pays est aussi lesté par une dette publique qui atteint 3 300 milliards d’euros (113,7 % du PIB). Son remboursement pèse de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat en raison de la remontée des taux d’intérêt : 59 milliards d’euros prévus cette année, plus de 70 milliards en 2027. L’accumulation de ces mauvais chiffres vaut à la France d’être classée parmi les plus mauvais élèves de la zone euro.
La souveraineté, selon le dictionnaire Le Robert, définit le caractère d’un Etat « qui n’est soumis à aucun autre Etat ». Le fossé entre le discours sur la souveraineté européenne porté avec lucidité et de façon avant-gardiste depuis 2017 par Emmanuel Macron et la difficulté du dirigeant français à maîtriser les finances de son pays restera comme le grand paradoxe de la période. L’homme du réveil européen aura été en même temps le héraut en France du « quoi qu’il en coûte », celui qui aura mêlé dans un même mouvement la bonne et la mauvaise dette, l’indispensable financement des grands investissements d’avenir et la préservation d’un modèle français qui ne parvient plus depuis des décennies à s’autofinancer.
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