Le gouvernement pose un diagnostic largement fondé sur l’état des classes moyennes. Mais il y oppose des réponses qui amplifient les difficultés du pays et celles des acteurs de la solidarité.

Le constat partagé tourne autour du délitement social, d’une crise des classes moyennes – celles qui travaillent et n’y arrivent pas – débouchant sur une forte aspiration à l’ordre et à l’autorité. La montée de l’extrême droite en est la traduction politique. Les bases des politiques de solidarité et de la démocratie s’en trouvent fissurées alors que les besoins sociaux et écologiques vont croissant et que la dette publique pèse.

Face à cela, les réponses de l’exécutif inquiètent. Plutôt que de porter son action vers le sens et la rémunération du travail ainsi que l’équité de l’impôt, il met en cause les personnes en situation de pauvreté (bénéficiaires du revenu de solidarité active ou des allocations-chômage de longue durée) et les étrangers (loi sur l’immigration [votée en décembre 2023] en attendant la prochaine réforme de l’aide médicale d’Etat), tout en confortant les égoïsmes économiques et sociaux (refus des hausses d’impôts pour les plus favorisés, remise en question annoncée de la loi SRU sur le logement [dans un texte présenté début mai en conseil des ministres]).

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Face aux aspirations croissantes à l’ordre social, l’exécutif convoque l’uniforme à l’école, affecte publiquement le tutoiement à l’égard de jeunes délinquants et cible les parents défaillants. Sans compter l’invocation rituelle à l’autorité de l’Etat qui ne parvient plus à masquer les limites d’une puissance à la fois précieuse, omniprésente et hors-sol à force de dérive technocratique.

Equilibres du pays en danger

Les emprunts récurrents au vocabulaire militaire illustrent la difficulté de l’exécutif à mesurer ce qui légitime l’autorité dans une société démocratique : la règle commune s’y exerce d’une manière d’autant plus efficace qu’elle est consentie par le corps social car généralement perçue comme délibérée, juste et équitable. Comme nombre de travailleurs sociaux le savent, c’est sur ces bases que l’autorité la plus ferme peut s’exercer efficacement quand cela est nécessaire. Là réside la différence entre une société justement ordonnée et une société au garde-à-vous.

Ces impasses mettent désormais en danger les équilibres du pays et ses acteurs de la solidarité au moment même où la précarité s’étend. Plus une seule rencontre avec les responsables d’associations, les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux, les bénévoles partout dans le pays sans que s’expriment le désarroi, la colère ou le découragement. Des sentiments partagés par nombre d’élus locaux et d’agents publics. Au point que personne ne peut plus garantir que le monde associatif pourra être présent à la prochaine crise d’ampleur comme lors de l’épidémie de Covid-19 ou des distributions alimentaires débordées en temps d’inflation.

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