
Le groupe de Vincent Bolloré a annoncé faire appel de la décision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui l’a sommé le 18 juillet de racheter l’ensemble des actions Vivendi, ce qui pourrait entraîner le retrait du groupe de la Bourse, lundi 28 juillet.
« Bolloré SE a décidé de former un recours devant la cour d’appel de Paris tendant à l’annulation de la décision de l’AMF du 18 juillet 2025 », a fait savoir la société dans un communiqué. L’AMF a demandé au milliardaire de déposer une offre publique pour racheter les actions Vivendi qu’il ne détient pas déjà, considérant que sa part dépasse le seuil des 30 % qui oblige à lancer une offre sur les titres restants. C’est ce que Bolloré voulait précisément éviter lors de la mise en œuvre de la scission fin 2024 de l’ex-géant des médias et de l’édition.
Vivendi avait alors été découpé en quatre entités cotées : Canal+ (médias) à Londres, Havas (communication) à Amsterdam, Louis Hachette Group (édition) à Paris sur le marché Euronext Growth, et la holding, qui est restée en Bourse à Paris. L’AMF avait été saisie par le fonds CIAM, actionnaire minoritaire de la société, qui contestait l’opération.
Le « gendarme » de la Bourse de Paris avait estimé, en novembre, que le groupe Bolloré ne pouvant « pas être considéré comme contrôlant Vivendi », dont il détient directement 29,9 %, n’avait pas à lancer une offre publique de retrait. Mais la cour d’appel de Paris avait ensuite demandé à l’AMF de réexaminer sa décision. Dans son nouvel avis, celle-ci a décidé que la société Bolloré et Vincent Bolloré étaient « tenus au dépôt d’un projet d’offre publique de retrait » des titres Vivendi dans un délai de six mois.
Elle considère en effet que la part de Bolloré dans Vivendi dépasse 30 % en intégrant les actions autodétenues par le groupe (3,7 % du capital), soit le seuil qui déclenche en France l’obligation de lancer une offre publique obligatoire pour racheter les titres restants. Cela ne remet pas en cause la scission elle-même, mais pourrait à terme aboutir au versement d’importantes indemnités aux actionnaires.
Le rachat de Lagardère visé par la Commission européenne
Le même jour, vendredi 18 juillet, la Commission européenne a aussi accusé le groupe français d’avoir enfreint les règles de l’Union européenne en matière de concurrence en prenant trop tôt le contrôle du groupe Lagardère, à l’issue de son rachat fleuve. Elle estime en effet que le groupe exerçait « une influence » éditoriale « déterminante » sur plusieurs médias de Lagardère avant que la prise de contrôle soit notifiée à Bruxelles le 24 octobre 2022.
Vivendi encourt une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires total. Celui-ci s’est élevé à 292 millions d’euros en 2024, après la scission. Avant cette opération, il avait atteint un peu plus de 10 milliards d’euros en 2023.
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Aussitôt, le groupe a communiqué qu’il « contestait les allégations de la Commission européenne » et « répondrait » aux griefs « afin d’obtenir sa mise hors de cause et la clôture de l’enquête ». L’annonce de Bruxelles « marque seulement l’ouverture de la phase contradictoire de la procédure », a insisté l’entreprise.
Selon l’enquête de la Commission, Vivendi surveillait « de près » et intervenait régulièrement dans les décisions stratégiques concernant la ligne éditoriale, ainsi que les couvertures et les articles des magazines et journaux du groupe Lagardère, Paris Match et le Journal du dimanche, ainsi que de la radio Europe 1. Bruxelles reproche aussi à Vivendi son intervention dans les décisions relatives aux licenciements et aux recrutements de journalistes pour ces médias.
« Une emprise croissante de Vincent Bolloré »
La Commission européenne avait annoncé il y a deux ans l’ouverture d’une enquête formelle, peu après avoir accordé à Vivendi l’autorisation d’absorber son ancien rival, à condition de céder sa filiale édition et le magazine Gala.
L’ONG Reporters sans frontières avait réclamé une telle enquête, « compte tenu des nombreux signaux attestant d’une emprise croissante de Vincent Bolloré ». A Paris Match par exemple, l’arrivée en septembre 2022 de Laurence Ferrari pour succéder au rédacteur en chef Bruno Jeudy avait été interprétée comme une marque de la mainmise du milliardaire breton, alors premier actionnaire de Lagardère. Bruno Jeudy avait dénoncé l’absence de « une » consacrée à Emmanuel Macron au lendemain de sa réélection et la couverture consacrée au cardinal ultraconservateur Robert Sarah.
En 2021, Europe 1 avait pour sa part annoncé un rapprochement avec CNews, propriété de Vivendi, entraînant une vague de départs volontaires ou contraints après une grève historique, sur fond de craintes concernant la droitisation de la radio. Interrogé par l’AFP, Lagardère n’a pas souhaité faire de commentaire. Il a été absorbé en novembre 2023 par Vivendi et fait désormais partie de Louis Hachette Group.