Livre. Il ne fallait pas, Josep Borrell, monsieur le (bientôt ex-)haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lui offrir ce bâton si vous ne vouliez pas vous faire battre. Car, pour étayer son « adresse à l’Europe sur l’idée qu’elle se fait du monde » – c’est le sous-titre de son livre Le Jardin et la jungle (La Découverte, 216 pages, 18 euros) – et son plaidoyer pour le respect d’un droit international en péril, le journaliste et cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel, ne pouvait évidemment manquer de relever ce discours que vous avez prononcé devant le Collège d’Europe, à Bruges (Belgique), pépinière de l’eurocratie, en octobre 2022.

Aviez-vous l’esprit ailleurs ou aviez-vous omis de relire ce texte qui critiquait plus que maladroitement les tenants d’une Europe forteresse ? On ne le saura jamais et, avouons-le, votre propos aura d’ailleurs échappé au plus grand nombre, sauf peut-être au ministre des affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, qui l’a traité de « colonialiste ». Et sauf, bien sûr, au regard scrutateur d’Edwy Plenel, qui vous décrit comme le « de facto ministre des affaires étrangères de l’UE », un titre qui vous fera sourire tant, au fil des cinq années de votre mandat qui s’achève, vous en avez mesuré les limites.

Entre vos conflits avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil, Charles Michel, vos algarades avec les ministres nationaux et la difficulté à dompter le « mammouth » qu’est le Service européen pour l’action extérieure, il vous restait peu de temps pour tenir la ligne qu’Edwy Plenel vous enjoint de suivre : celle de la vraie promesse du projet européen, celle « d’une humanité commune et d’un droit universel ».

La peur des autres

Au lieu de cela, vous avez évoqué à Bruges le « jardin » et la « jungle ». Jardin européen où, disiez-vous, « tout fonctionne ; meilleure combinaison de liberté politique, de liberté économique et de cohésion sociale que l’humanité ait pu construire », contre jungle, laquelle serait « la plus grande partie du reste du monde ». Avec cette mise en garde : la jungle pourrait, si l’on n’y prend garde, envahir le jardin « de différentes manières et par différents moyens ». Il faut donc l’entretenir, poursuiviez-vous, et « les jardiniers européens doivent aller dans la jungle » car les hauts murs qu’ils pourraient construire ne suffiront pas à protéger leur domaine.

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Ce discours d’un homme de gauche est non seulement maladroit mais « désastreux », juge M. Plenel, même si vous vous êtes ensuite défendu de tout « eurocentrisme colonial » en expliquant que vous vouliez faire allusion à la « loi de la jungle », ressuscitée par le président russe, Vladimir Poutine, pour tenter de conquérir l’Ukraine.

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