Qui peut être surpris que des casques bleus puissent être pris pour cible par l’armée israélienne dans le sud du Liban ? Les tirs qui ont blessé deux soldats sri-lankais le 11 octobre sont intervenus après un premier incident, deux jours plus tôt, au cours duquel deux militaires indonésiens avaient déjà été blessés. L’armée israélienne nie toute intentionnalité, mais ces tirs interviennent en pleine offensive contre la milice chiite du Hezbollah pour laquelle l’armée de l’Etat hébreu ne semble se fixer aucune limite.

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Comme à Gaza depuis un an, la présence d’un responsable militaire ou politique du Hezbollah est avancée à chaque fois pour justifier les bombardements les plus meurtriers, le prix versé par les civils également présents sur les lieux étant réduit à une simple contingence. Le droit humanitaire international s’effrite sous nos yeux sous ces coups de boutoir, assénés, qui plus est, par un gouvernement issu des urnes et soutenu militairement par les Etats-Unis.

Personne ne dénie à Israël le droit de se défendre. Le Hezbollah a exposé le Liban à un aventurisme que l’écrasante majorité de ses habitants n’a pas choisi au lendemain du 7 octobre 2023, lorsqu’il a tiré ses premières roquettes sur le territoire israélien en solidarité avec le Hamas, qui avait perpétré à l’occasion de cette attaque les pires massacres de civils de l’histoire de l’Etat hébreu. Ces tirs doivent cesser pour que des dizaines de milliers de déplacés israéliens puissent rentrer chez eux dans le nord d’Israël. Mais le million de déplacés libanais chassé du sud et qui campe dans des conditions épouvantables dans un pays qui était déjà sur le fil du rasoir, paralysé politiquement et épuisé économiquement, n’y a pas moins droit.

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Les autorités israéliennes semblent cependant moins intéressées par un cessez-le-feu, dont Washington parle peu, que par l’opportunité de régler de vieux comptes, voire la tentation de remodeler la région par la force, et par elle seulement. Dans ses dernières déclarations, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a multiplié les provocations, menaçant le pays du Cèdre du même sort réservé à l’étroite bande de terre, réduite à un champ de ruines ensanglantées, si les Libanais ne se révoltaient pas contre la milice chiite, bras armé de l’Iran. Le bilan d’Israël au Liban au cours du demi-siècle écoulé se passe pourtant de commentaires.

Mainmise totale

Cette hubris est inquiétante. Le Proche-Orient a déjà fait l’expérience dans un passé proche des errements auxquels conduit le sentiment de toute-puissance militaire, ce marteau qui transforme tout en clou sur lequel s’acharner. Sur le plan diplomatique, cette hubris se traduit par la stigmatisation de tout ce qui peut être associé aux Nations unies. Leurs agences tentent pourtant inlassablement d’empêcher que la tragédie en cours à Gaza, où l’aide humanitaire est corsetée par Israël en dépit de sa mainmise totale qui lui confère un statut de puissance occupante accompagné de devoirs afférents, échappe définitivement à tout contrôle.

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De la colonisation sans entraves de la Cisjordanie occupée à la conduite des guerres en cours jusqu’au cœur de Beyrouth, en passant par l’embargo qui étrangla pendant dix-sept ans Gaza sans affaiblir le moins du monde le Hamas, l’Etat hébreu ne cesse d’agir en toute impunité au regard du droit. Le résultat devrait pourtant interroger.

Le Monde

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