Le Festival du livre de Paris ouvre ses portes du 11 au 13 avril au Grand Palais. Un moment propice pour porter à la connaissance du public la menace existentielle que fait peser sur les auteurs et les éditeurs la croissance inquiétante du marché du livre d’occasion.
Où est le problème ?
Sur les livres d’occasion, les auteurs et les éditeurs ne perçoivent aucun droit, donc aucun revenu, de sorte qu’une œuvre de l’esprit continue à générer des gains pour toute une chaîne de revendeurs sans en produire plus aucun pour son créateur.
D’après une étude conjointe du ministère de la culture et de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), 9 millions de personnes ont acheté des livres d’occasion en 2022 (34 % des acheteurs de livres, en croissance de 11 % en cinq ans), ce qui représente 80 millions d’exemplaires (20 % du marché en volume, en croissance de 38 % en cinq ans) et un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros (10 % du marché en valeur, en croissance de 49 % en cinq ans).
Tous les segments éditoriaux sont concernés, mais celui de la littérature souffre davantage que les autres : un roman contemporain sur quatre est acheté d’occasion, un roman policier sur deux, un roman fantastique ou sentimental sur trois, un roman pour la jeunesse ou les adolescents sur quatre.
En clair : pendant que le marché de l’occasion double en cinq ans, celui du livre neuf stagne, voire régresse (− 7,7 % en 2022, – 2 % en 2023). Difficile de ne pas y voir une corrélation.
Dès la sortie d’une nouveauté, le livre d’occasion est à disposition dans les mêmes conditions d’accès, de disponibilité, de délai que le livre neuf, mais à un prix deux fois moindre en moyenne : les fondements de la loi Lang sur le prix unique sont ainsi bafoués, ceux de la rémunération des auteurs et des éditeurs niés, ceux de l’écosystème du livre sapés.
Arguments de bon sens ?
Je suis bien conscient que cette cause n’est pas populaire : comment des auteurs et des éditeurs osent-ils se plaindre d’une évolution présentée comme doublement vertueuse, économiquement, puisqu’elle faciliterait l’accès du plus grand nombre à la lecture, et écologiquement, puisque l’économie circulaire éviterait le pilon et le gaspillage de papier ?
Ces arguments de bon sens apparent ne résistent pas à l’analyse.
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