Des quatre encycliques du pape François, la plus retentissante restera Laudato si’ (« Loué sois-tu ») « sur la sauvegarde de la maison commune » qu’est notre planète. Sa publication parue en 2015 et la diplomatie active du Saint-Siège ont contribué à la réussite de la COP21 pour l’accord de Paris la même année.
Plus encore, la sobriété revendiquée et personnellement éprouvée par celui qui a placé son élection au siège de Pierre sous la figure du poverello (« petit pauvre ») d’Assise (autre nom de saint-François d’Assise) a un rayonnement prophétique, à l’heure où l’attention politique contre le changement climatique faiblit. Ce pontificat fut aux antipodes du trumpisme ambiant.
Pourtant, qualifier François de « pape vert » serait aussi réducteur que récupérateur. Il s’est d’abord investi dans une lutte contre ce que l’on pourrait appeler, en contrepoint au réchauffement, le refroidissement humain. Ce qui préoccupait l’ancien archevêque de Buenos Aires devant nos sociétés d’abondance, ce qu’il n’a cessé de dénoncer, était la parcimonie des contacts humains et l’extension d’une solitude qui, de son propre aveu, suscitait chez lui une certaine crainte. Ce religieux ne pouvait vivre, lui, qu’en communauté. Témoin du Covid-19, il s’inquiétait de l’assèchement relationnel d’une société adepte du « sans-contact ».
Rien ne rebutait davantage cet ancien laborantin en chimie que les procédures dépersonnalisées, les chiffrages arides ou les abstractions idéologiques, qui finissent par priver de la fraîcheur du terrain, éloigner de l’échelle humaine et brouiller l’intelligence du cœur.
« Tu peux avoir cinq diplômes en théologie mais ne pas avoir l’Esprit de Dieu ! », avait-il averti dans l’une de ses homélies matinales au Vatican. « La réalité est plus importante que l’idée », insistait-il. Devant des étudiants aux Philippines en 2015, il confia : « Certaines réalités de la vie se voient seulement avec des yeux lavés par les larmes. » Ou lavés par les rires, lui qui reçut des humoristes au Vatican en 2024. Pas plus qu’il ne faut opposer foi et raison, ce jésuite à la piété mariale ne voulait opposer foi et émotions, foi et sens corporels.
Il vous reste 65.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.