Plus d’un mois après le renversement de la dictature de Bachar Al-Assad, les nouvelles autorités en place en Syrie s’efforcent de démentir la fatalité des transitions ratées, dont le Proche-Orient a souvent fait l’expérience. La complexité de l’équation communautaire syrienne, accentuée par le délabrement économique et social hérité du régime déchu, rend indispensable un soutien international.

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A ce titre, la levée graduelle des sanctions adoptées pendant la guerre civile syrienne, décidée lundi 27 janvier par l’Union européenne, est un premier pas qu’il convient de saluer. Les Européens ont fait preuve de pragmatisme tout en restant prudents. Ils entendent prendre au mot ces nouvelles autorités qui ont multiplié les engagements en matière de gouvernance comme de respect des minorités et des droits humains.

Ces droits, faut-il le rappeler à l’aune des horreurs dont la dictature a été le synonyme, ne sont pas des lubies, mais au contraire la base sur laquelle peut se reconstruire une société épuisée par plus de dix années d’une guerre fratricide, ce qui implique la préservation d’une parole libérée et d’un espace public apaisé. Le premier desserrement de l’étau est conditionnel, et à juste titre. Les sanctions levées seront en effet réinstallées en cas de manquement à la parole donnée.

Absence de politique claire des Etats-Unis

Le cas syrien souligne la complexité et les dilemmes d’une sortie d’un régime de sanctions internationales. Cette sortie doit, en effet, faire l’objet d’une concertation entre tous les acteurs. Les efforts européens resteront marginaux s’ils ne sont pas accompagnés par des gestes similaires de la part des Etats-Unis, du fait de l’arsenal imposé après l’adoption, en 2019, du Caesar Syria Civilian Protection Act, du nom d’un transfuge à l’origine de révélations sur la politique d’assassinats de masse pratiquée dans les prisons syriennes au temps de la dictature.

La nouvelle administration américaine, prise de court comme beaucoup par l’effondrement soudain du régime de Bachar Al-Assad, n’a pas formulé jusqu’à présent de politique claire vis-à-vis de la Syrie. Il ne faudrait pas que cette dernière soit la victime d’une conception à courte vue des intérêts nationaux qui s’est traduite, au cours des derniers jours, par des coupes radicales dans les programmes d’aide des Etats-Unis.

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La présence sur des listes d’organisations terroristes occidentales de la principale force au pouvoir à Damas, le Hayat Tahrir Al-Cham, ajoute une autre difficulté. Cette inscription était justifiée par le passé par l’idéologie djihadiste alors défendue par Ahmed Al-Charaa, son chef, qui assure y avoir renoncé. Elle empêche toute forme de coopération ou la mise en place de programmes d’aides, qui pourraient apparaître comme un financement du terrorisme, alors que de nombreux chefs de la diplomatie occidentaux se sont rendus à Damas pour s’entretenir avec les nouvelles autorités.

Il y a pourtant urgence. Si ces nouvelles autorités ne parviennent pas à améliorer la vie quotidienne des Syriens, privés, depuis la fuite de Bachar Al-Assad, du pétrole donné par l’Iran au prix de la vassalisation de Damas, le mécontentement pèsera sur la transition, ce qui pourrait conduire à l’instrumentalisation de la carte communautaire et à une spirale mortifère. Qu’il s’agisse de la stabilité régionale ou du retour de millions d’exilés syriens, il faut souhaiter que les nouvelles autorités réussissent.

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Le Monde

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