Le but de la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin par Emmanuel Macron continuera longtemps d’échapper tant aux constitutionnalistes qu’à l’ensemble des citoyens. Depuis, les médias bruissent de leçons de parlementarisme au pays du présidentialisme et de multiples comparaisons avec nos voisins européens.
Les partisans du parlementarisme ne peuvent que se réjouir d’entendre que la Constitution de la Ve République est suffisamment « plastique » pour s’adapter à la situation inédite que nous connaissons et que nombre de ses dispositions feront probablement l’objet de nouvelles interprétations. Si ce système peut fonctionner – et fonctionne effectivement – de façon parlementaire, cette pratique est nécessairement faussée en raison du rôle particulier que joue le président, notamment du fait de son élection au suffrage universel.
D’un côté, il fonctionne de façon parlementaire, car le pouvoir du président provient moins de ses prérogatives constitutionnelles – ses compétences propres sont limitées – que de l’existence d’une majorité dont il est le chef. Celle-ci soutient le président par docilité, et le gouvernement par fidélité envers ce même président. Que cette majorité ait un autre chef et c’est lui qui exercera l’essentiel du pouvoir, comme on l’a vu pendant les cohabitations.
Incarner l’unité nationale et la volonté générale
D’un autre côté, l’élection du président au suffrage universel vient fausser ce fonctionnement parlementaire. Certes, nombre d’Etats européens connaissent une telle élection qui ne confère pourtant pas la même prééminence au président et il n’y aurait donc rien d’intrinsèquement vicieux dans cette élection. Que ce soit en Autriche ou en Finlande, le président n’est pas pensé comme un organe puissant ni son élection justifiée par la nature des pouvoirs qui lui sont conférés. Dans ces deux systèmes, même si le président dispose du pouvoir de sanctionner la loi ou de dissoudre le Parlement, il a en réalité été pensé avant tout comme un chef d’Etat aux compétences modestes et non comme un chef de gouvernement, encore moins comme un colégislateur.
De fait, ses attributions sont en pratique très limitées, de sorte que son élection répond non à une nécessité institutionnelle, mais à une nécessité symbolique. Au Portugal, le chef de l’Etat est lui aussi élu au suffrage universel, il dispose de pouvoirs équivalents à ceux du président français, mais les partis politiques ont toujours refusé d’en faire un chef politique et son élection n’obéit nullement à une logique partisane.
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