Dans un film tombé aux oubliettes, La Giusta distanza (2007), le cinéaste italien Carlo Mazzacurati avait habilement exploré « la bonne distance » que se doit d’adopter tout journaliste soucieux d’objectivité face à son sujet. Il s’agissait alors de démêler les fils d’un crime qu’on qualifiait encore de « passionnel ». C’est sur un sujet plus apaisé, la révélation de l’intime dans les villages ruraux du Pays basque français, qu’Anne Rearick a réussi à trouver cette bonne distance. Sans doute du fait de sa nationalité, qui vaut à son travail de courir le risque d’être perçu comme le regard candide d’une Américaine en balade dans l’Hexagone, alors qu’il n’en est rien.

Voilà plus de trois décennies que la photographe, aujourd’hui âgée de 64 ans, a débarqué à Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées-Atlantiques. Anne Rearick terminait un master au Massachusetts College of Art, après des études en littérature et histoire de l’art. Autodidacte en photographie, la jeune femme venait d’obtenir une bourse pour découvrir la région, à travers l’objectif d’un boîtier Mamiya. « Il pleuvait des cordes et une femme âgée m’a invitée dans sa maison. Elle m’a donné des pantoufles, servi un thé chaud et des madeleines, montrant là une générosité et une hospitalité peu communes », se souvient-elle, encore émue. Un coup de foudre.

Très vite, l’étrangère se sent adoptée. Très vite, elle prend l’habitude de venir et revenir arpenter ces contreforts des Pyrénées qui lui rappellent les reliefs de son Idaho natal, dans le nord-ouest des Etats-Unis. « Ces montagnes et leurs immenses ciels ouverts me sont familiers, non seulement parce que je les contemple depuis longtemps, mais aussi parce qu’ils me renvoient à mon enfance », dit-elle. D’où l’esthétique presque impressionniste qui ressort de ses clichés paysagers, obtenus ces dernières années avec un appareil moyen format Hasselblad.

« Fille des montagnes »

Membre de l’agence VU depuis 1993 et représentée à Paris par la Galerie Clémentine de la Ferronnière, Anne Rearick réside aujourd’hui à Gloucester, au nord de Boston (Massachusetts), un charmant petit port de pêche qui a vu défiler de nombreux peintres, Edward Hopper en particulier, dans les années 1930. La « fille des montagnes », comme elle se plaît à se définir, y trouve son compte.

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Mais le Pays basque est pour elle un moyen de « soigner » les déracinements que la vie a pu lui réserver. De la « réconcilier », aussi, avec une humanité qu’elle considère avoir un peu disparu de l’autre côté de l’Atlantique : « J’ai beau avoir la chance d’avoir une famille formidable, personne de mon entourage n’a jamais le temps de passer du temps avec les autres, comme souvent aux Etats-Unis. Pour déjeuner ou dîner à plusieurs, le Pays basque est d’une spontanéité déconcertante, quand, aux États-Unis, il faut fixer une date trois semaines à l’avance. »

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