« Fictive jusqu’au bout », observe, mi-amusée mi-désabusée, une journaliste du Canard enchaîné dans les couloirs du tribunal judiciaire de Paris. Mardi 8 juillet, Edith Vandendaele ne s’est pas présentée devant la 11e chambre du tribunal correctionnel, pour l’ouverture du procès dont elle aurait dû être le personnage principal pendant les quatre jours d’audience prévus.

Dans un courrier à la présidente, Claire Saas, Mme Vandendaele a présenté ses « excuses » et a justifié son absence par l’état de santé de son mari de 97 ans, l’ex-dessinateur du Canard André Escaro, « très âgé, très handicapé, très dépendant », dont elle est l’aidante au quotidien. Elle a fait le choix de « rester auprès de son époux », a précisé l’avocat commun du couple, Jean-Baptiste Marre, qui sera seul pour les représenter. Si les absents ont toujours tort, cette stratégie de défense s’annonce périlleuse.

Mme Vandendaele, 77 ans, est jugée cette semaine pour recel d’abus de biens sociaux, obtention frauduleuse d’une carte de presse et déclaration mensongère à un organisme public. Elle est soupçonnée d’avoir bénéficié d’un emploi fictif fort bien rémunéré (jusqu’à 5 600 euros net par mois) au sein de l’hebdomadaire satirique entre 1996, année de départ à la retraite de son mari, et 2022. M. Escaro, qui a publié ses premiers dessins dans Le Canard en 1949, est également renvoyé pour abus de biens sociaux, ayant été administrateur délégué de la société éditrice du journal jusqu’en 1993, puis administrateur jusqu’en 2022. Sans surprise, l’expertise médicale demandée le 8 octobre 2024 lors d’une première audience de cette affaire conclut qu’il n’est pas en état physique de comparaître. Le procès se fera donc sans lui.

1,46 million d’euros de préjudice

Cette affaire retentissante, source d’un violent conflit au sein même du Canard enchaîné, a démarré en mai 2022 avec le dépôt d’une plainte contre X par un journaliste de la maison, Christophe Nobili. Cet enquêteur chevronné, diversement apprécié parmi ses collègues, est l’une des plumes à l’origine des révélations de l’hebdomadaire en 2017 qui ont abouti à la condamnation de François et Penelope Fillon pour détournement de fonds publics. Selon le récit qu’il fait de l’histoire dans son livre Cher Canard (JC Lattès, 2023), c’est après la publication de ce scoop qu’il a découvert ce qu’il croit être un schéma similaire d’emploi fictif, à l’intérieur de son propre journal, au bénéfice de Mme Vandendaele.

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