Il y a moins d’un mois, en prêtant le serment de défendre la Constitution des Etats-Unis, Donald Trump avait promis de mesurer ses succès « non seulement à l’aune des batailles qu[’ils] remporter[aient], mais aussi des guerres auxquelles [ils] mettr[aient] fin – et, peut-être plus important encore, des guerres dans lesquelles [ils] n’entrer[aient] jamais ». Que penser de cet engagement après le souhait, le 4 février, d’une prochaine prise de contrôle durable de la bande de Gaza par les Etats-Unis après en avoir chassé les Palestiniens, au nom d’une reconstruction transformée en opération de prédation immobilière guidée par l’esprit de lucre, dont ces derniers seraient exclus ?

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Il faut reconnaître à Donald Trump une constante, celle d’un alignement aveugle sur les positions israéliennes. Le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, considérée unilatéralement comme la capitale de l’Etat hébreu, y compris pour sa partie orientale conquise par la force en 1967, la reconnaissance tout aussi unilatérale d’une souveraineté israélienne sur le plateau syrien du Golan l’avaient illustré au cours de son premier mandat (2017-2021).

En prônant, sous le couvert de très vagues considérations humanitaires, le crime de guerre que constituerait le transfert forcé des Palestiniens de Gaza hors d’une enclave ravagée par les bombardements israéliens après les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas, Donald Trump franchit un pas supplémentaire dans cet alignement. Il fait désormais sienne la vision du conflit israélo-palestinien développée par l’extrême droite raciste et suprémaciste israélienne. D’autant que le coup de théâtre concernant Gaza pourrait être accompagné prochainement, selon le républicain, par une prise de position à propos d’éventuelles annexions massives en Cisjordanie occupée.

Un néo-impérialisme botté

En refusant aux Palestiniens le droit légitime à l’autodétermination sur la terre qui est aujourd’hui la leur, Donald Trump fait donc d’un négationnisme la doctrine officielle de la première puissance mondiale. Il doit être mis en échec. Une paix durable ne peut être obtenue que par le compromis, pas par l’écrasement d’un peuple, si faible soit-il. Un tel projet évidemment cataclysmique pour les Palestiniens déchaînerait un dangereux messianisme israélien. Ni les uns ni les autres n’y gagneraient.

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Que ce négationnisme percute de plein fouet le projet d’une normalisation entre Israël et la principale puissance régionale, l’Arabie saoudite, qui la conditionne à la création d’un Etat palestinien, ne semble pas émouvoir le président des Etats-Unis. Pas plus que le refus déjà exprimé par l’Egypte et la Jordanie d’être les complices de ce nettoyage ethnique en hébergeant les Palestiniens chassés de chez eux. Donald Trump est convaincu que la force qu’il agite depuis son retour à la Maison Blanche prime sur tout.

Cette conviction avait poussé il y a plus de deux décennies une autre administration républicaine, après le 11-Septembre, à faire le choix de l’aventurisme guerrier au Proche-Orient. Les Etats-Unis y avaient abîmé durablement leur image, perdu des milliers de soldats et englouti des sommes colossales pour des résultats opposés à ceux recherchés. Entré en politique il y a une décennie en dénonçant ces errements, Donald Trump défend désormais un néo-impérialisme et un néocolonialisme bottés. Au lieu de rendre comme il le prétend sa « grandeur » à l’Amérique, il risque au contraire de la ramener dans les ornières sanglantes du passé.

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Le Monde

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