Donald Trump est assis sur une fesse, contre un parapet, décontracté. Il parle du mot « tariff » (« droit de douane »). « Le Sénat et la Chambre, au fil des ans, lui ont donné une mauvaise réputation, mais moi, je considère que c’est la plus belle chose que j’aie jamais vue, le mot “tariff”, je l’adore, je le trouve très beau. » Nous sommes le vendredi 27 septembre 2024, à Warren (Michigan), lors d’un meeting de campagne. Pendant plusieurs semaines, il va répéter son amour pour ce mot. En Caroline du Nord, le 3 novembre : « En dehors d’“amour” et de “religion”, c’est le plus beau mot qui soit. » Au micro du podcasteur réactionnaire Joe Rogan, le 25 octobre : « C’est plus beau que l’amour ; c’est plus beau que tout. » A l’écouter, une bonne utilisation des droits de douane permettra une renaissance du pays. Ceux-ci doperont l’industrie, réduiront le déficit commercial, arrêteront des guerres et permettront même de résoudre les problèmes de frais de garde d’enfants !

Trump est protectionniste, mais on trouve dans ses discours tout et son contraire. Il lui est arrivé par le passé de se dire « free trader » (« libre-échangiste »), tout en vantant la nécessité de « protéger [les] frontières des ravages causés par d’autres pays ». De fait, il s’inscrit davantage dans une tradition mercantiliste que protectionniste. Le mercantilisme est à l’économie ce que le nationalisme est à la politique. Il s’agit de maximiser les exportations et de minimiser les importations, et d’accroître par là même la domination sur les puissances rivales. Formalisée par le philosophe italien Antonio Serra (1568-1620) dans son Bref traité sur la richesse des royaumes, en 1613, la pensée mercantiliste était très répandue en Europe avant l’industrialisation.

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Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, en 2017, Trump a bousculé l’orthodoxie économique, qui vante les vertus de l’ouverture commerciale, et a ressuscité le mercantilisme. Trump voit le commerce comme un jeu à somme nulle avec des perdants et des gagnants : une bataille dans laquelle les tariffs jouent un rôle à la fois défensif et offensif. A lire ses écrits sur le sujet, assez constants depuis les années 1980, le déficit commercial témoigne forcément d’une faiblesse du pays par rapport aux autres, une idée que réfutent la plupart des économistes. Votre solde commercial est négatif ? Vous êtes un loser. Voilà pourquoi Trump rejette les accords commerciaux internationaux, leur préférant les rapports de force. L’auteur de The Art of the Deal (Random House, 1987, traduit sous le titre Le Plaisir des affaires, Ergo Presse, 1992) adore les relations musclées d’Etat à Etat.

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