Livre. C’est un texte glaçant et au rôle important dans la compréhension historique du colonialisme qu’ont choisi de publier en poche les éditions du Passager clandestin (384 pages, 14 euros), plus de dix ans après la première publication, en 2014, du Rapport Brazza. En mars 1905, l’explorateur français Pierre Savorgnan de Brazza embarque pour le Congo sous protectorat français afin d’y enquêter sur une affaire qui secoue l’opinion publique française, la mort cruelle d’un prisonnier tué par un fonctionnaire colonial à l’aide d’une cartouche de dynamite.

Brazza n’est pas seulement choisi pour sa connaissance du territoire. Cet ancien commissaire général du Congo français est réputé humaniste, ouvert au dialogue avec les populations colonisées. Le gouvernement souhaite montrer avec cette inspection que les exactions commises restent exceptionnelles, afin de marquer la différence de l’administration française avec celle du territoire voisin, placé sous la responsabilité belge.

La mission confiée à l’ancien explorateur de mars à août 1905 va révéler tout le contraire. Ses notes témoignent d’une violence systémique, perpétrée non seulement par les compagnies privées auxquelles l’Etat français a accordé le droit d’exploiter les ressources, mais aussi par les fonctionnaires eux-mêmes, sous la responsabilité du ministère des colonies.

Colonisation prétendument civilisatrice

La charge est sévère contre l’Etat français et le régime concessionnaire, mis en place pour limiter l’investissement public. La mission découvre ainsi l’organisation de prises d’otages afin d’obliger les populations à payer l’impôt en nature réclamé par l’administration. A Bangui, 45 femmes sont mortes de faim en 1904 alors qu’elles étaient enfermées à plus de 60 dans une case de 6 mètres de long, pour contraindre leurs maris à fournir une partie de leur récolte de caoutchouc. Dans une autre région, 119 « femmes et fillettes » sont enlevées pour les mêmes raisons, avant d’être relâchées sur intervention de Brazza.

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