Après dix ans d’enquête et deux mois de procès, Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais et présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée, a finalement été condamnée, lundi 31 mars, à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme, aménageables avec un bracelet électronique, à 100 000 euros d’amende et à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire pour « détournement de fonds publics ». Le président du parti, Jordan Bardella, a rapidement déclaré que « c’est la démocratie française qui est exécutée ». La peine est sévère, le tribunal a amplement justifié sa décision. Craignant le pire, le RN a, ces cinq derniers mois, beaucoup crié avant d’avoir mal.

Lire aussi | En direct, condamnation de Marine Le Pen : Eric Ciotti annonce une proposition de loi pour supprimer l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité

La rhétorique manipulatrice déployée par ce parti depuis le sévère réquisitoire du procureur de la République, en novembre 2024, fait pourtant l’impasse sur les positions traditionnelles de l’ex-Front national (FN), devenu RN, en matière pénale. En effet, chaque fait divers dramatique fournit aux responsables du parti l’occasion de dénoncer le « laxisme judiciaire » et d’appeler à des peines d’emprisonnement exemplaires.

Rappelons qu’en 1981 le FN et ses partisans étaient opposés à la suppression de la peine de mort défendue par Robert Badinter. Marine Le Pen, alors âgée de 13 ans, raconte qu’elle avait fait campagne dans la cour de son collège en faveur du maintien de cette peine et avait été sermonnée pour cela. Si son parti a effectivement longtemps considéré que la peine de mort devrait exister dans notre droit pénal, elle a cependant retiré le rétablissement de cette peine de son dernier programme présidentiel – tout en précisant : « Je m’engage auprès des Français à mettre en œuvre la perpétuité réelle. »

Revendications d’extrême sévérité

S’agissant de probité publique, en 2004, l’atténuation en appel de la condamnation d’Alain Juppé [alors maire de Bordeaux, pour prise illégale d’intérêt dans le cadre de l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris] avait conduit Jean-Marie Le Pen [président du FN de l’époque] à dire qu’il s’agissait d’une « mesure de clémence émanant d’un système judiciaire dont la servilité n’a d’égale que la corruptibilité ». Pourtant, à la suite de sa propre condamnation pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique à l’occasion de l’exercice de ses fonctions » à une peine d’un an d’inéligibilité en novembre 1998, le même Jean-Marie Le Pen avait qualifié cette condamnation de « décision gluante » et de « jugement scandaleux ».

Il vous reste 61.72% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version