Les difficultés budgétaires que rencontre la France et que la représentation nationale a tant de mal de résoudre se doublent d’une autre menace : depuis la rentrée, l’économie française connaît un net retournement conjoncturel. L’investissement ralentit, la courbe du chômage s’inverse, les plans sociaux et les faillites se multiplient, l’attractivité du pays se dégrade, le climat social se tend.

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Les raisons sont multiples : quatre ans après la crise pandémique, les mesures qui avaient été prises pour protéger le tissu économique arrivent à leur terme, provoquant un retour à la réalité douloureux pour les entreprises les plus fragiles. L’Allemagne, notre principal partenaire commercial, connaît une récession qui commence à avoir un impact sur l’activité en France. Enfin, le contexte politique crée un environnement peu favorable à la prise de décision des acteurs économiques : face à l’incertitude fiscale, les ménages épargnent et les chefs d’entreprise freinent sur l’investissement.

Ces difficultés tombent au plus mauvais moment, car la compétition mondiale s’intensifie. La Chine, qui cherche à relancer son économie grâce aux exportations, devient de plus en plus agressive sur le plan commercial. Aux Etats-Unis, avec l’élection de Donald Trump, risque de s’ouvrir une nouvelle ère de protectionnisme, dont l’Europe sera, avec la Chine, la principale victime.

L’Union européenne s’alarme. A défaut de prendre des décisions qui pourraient remettre profondément en cause son fonctionnement, elle multiplie les rapports sur la façon de regagner en compétitivité face à des blocs qui cherchent à asseoir leur puissance économique, et appelle à réagir sans délai.

Nécessaire tri dans les dépenses

Par contraste, l’absence en France de toute réflexion rationnelle sur la conduite de la politique économique saute aux yeux. Les débats parlementaires, marqués par de profondes dissensions, se résument à des postures et à des discours électoralistes. La gauche s’enferme dans le dogme du tout-impôt. La droite dénonce à juste titre le mauvais état des comptes publics, mais préfère flatter ses clientèles (retraités, élus locaux) plutôt que de soutenir une stratégie de redressement cohérente.

Les macronistes, eux, s’arc-boutent sur la défense de la politique de l’offre, au prétexte qu’elle a permis pendant sept ans de réduire le chômage et d’attirer des investisseurs étrangers, mais ils se montrent complètement amnésiques sur l’ardoise budgétaire qu’ils ont laissée. Aujourd’hui, le nécessaire tri entre la bonne et la mauvaise dépense ne saurait épargner les allègements de charges, qui représentent une dépense annuelle de plus de 70 milliards d’euros et méritent un examen attentif au regard de leur efficacité et de l’impératif de justice fiscale.

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En s’installant à Matignon dans des conditions particulièrement difficiles, Michel Barnier a tenté de lancer ce que la France a toujours eu le plus grand mal à opérer lorsqu’elle est au pied du mur : mener de pair le redressement budgétaire et la préservation de l’outil de production. L’équilibre qu’il a proposé pour tenter de résoudre la difficile équation paraissait raisonnable : un peu plus d’impôts, concentrés sur ceux qui peuvent le supporter, beaucoup moins de dépenses publiques. Mais il a présumé de ses forces. A ce stade, toute la copie est déconstruite, et le seul message qui émerge est que chacun veut continuer à dépenser plus. Le réflexe est sans doute légitime dans un pays en quête de protection, exprimée par une partie de la population, mais il n’est pas réaliste dans le monde tel qu’il se présente.

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Le Monde

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