Le corps électoral a voté à 66,7 %. Ce retour à un niveau de participation des années antérieures au quinquennat (67,9 % au premier tour en 1997) s’est traduit par un lourd échec électoral de la majorité présidentielle, malgré un score honorable (20,8 %). C’est un profond désir d’alternance qui s’est manifesté dimanche 30 juin, se traduisant par un changement de paradigme que le maintien des trois blocs électoraux ne doit pas masquer : le Rassemblement national (RN), pour la première fois de son histoire, a gagné le premier tour d’une élection décisive, après trois victoires consécutives aux européennes et deux qualifications de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. La gauche se reconstruit aussi, ce que les tensions sur son leadership et ses nuances programmatiques ne doivent pas masquer non plus.

Pour comprendre l’échec de la majorité, plusieurs facteurs explicatifs peuvent être mis en avant. L’exécutif n’a tout d’abord pas su faire comprendre les raisons de cette dissolution. La prérogative présidentielle de la dissolution n’exonère pas le chef de l’Etat de lui donner une justification qui apparaisse fondée et légitime. En se rapprochant du modèle de la « dissolution de convenance » décidée par Jacques Chirac en 1997, Emmanuel Macron s’est aventuré le 9 juin sur un chemin trop complexe.

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La dernière vague de l’enquête électorale réalisée par Ipsos pour le Cevipof et ses partenaires indiquait que l’incompréhension, avec 26 %, arrivait en tête des sentiments éprouvés à propos de cette décision, notamment dans les électorats de la majorité ou chez Les Républicains (LR). Le sentiment d’espoir arrivait en second (22 %), mais ne devait cette place qu’aux deux électorats (La France insoumise et le RN) les plus frontalement opposés à Emmanuel Macron. Par un incroyable paradoxe, le chef de l’Etat a, de sa propre initiative, ouvert une brèche d’opportunité pour les électorats qui le rejetaient le plus !

Tout semble s’être passé selon le scénario que le sociologue Christian Morel, spécialistes des « décisions absurdes », appelle les situations de « perte de sens ». Ces situations sont une modalité particulière des « décisions absurdes », lorsque l’absurdité – prendre une décision contraire aux objectifs visés – s’engage sur une voie plus aléatoire encore : l’absence de but clair à atteindre, c’est-à-dire « quand l’objectif est incertain, absent, non contrôlable ou inconsistant », affirme le sociologue. Car c’est bien cette absence de finalité politique explicitée et lisible qui a transformé cette dissolution en terrible engrenage pour la majorité, une course vers l’abîme.

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