Cent jours. C’est tout ce qu’il faudrait au RN pour transformer la Ve République en régime illibéral d’un type nouveau, fondé sur la xénophobie d’Etat, le nationalisme identitaire, le rejet des traités internationaux et l’abandon des principes fondamentaux issus de la Révolution française et de la Libération.

Ce programme a un nom : la « priorité nationale ». Il a une réalité : une proposition de révision de la Constitution présentée en septembre 2021, actualisée et déposée sur le bureau de l’Assemblée en janvier 2024, qui prévoit d’en modifier dix-huit articles et d’en ajouter sept pour établir une discrimination légale contre les étrangers en situation régulière, les Français binationaux et les mineurs nés de parents étrangers ; pour priver toutes les personnes résidant en France des garanties offertes par le droit international et communautaire ; et, enfin, pour faire du président de la République le protecteur d’une fantasmatique « identité de la France » qu’il sera libre de définir comme bon lui semble. Pour mettre en œuvre ce programme, les responsables du RN renvoient à la prochaine élection présidentielle, parce que la clé pour l’appliquer sera entre les mains du président nouvellement élu.

Affrontement programmé

Cette clé est le recours à l’article 11 de la Constitution, qui permet au président de soumettre au référendum un texte de loi sans le soumettre au Parlement. Le général de Gaulle en a usé à deux reprises pour modifier la Constitution, en 1962 et en 1969, et, lors de sa campagne de 2022, Marine Le Pen n’a cessé d’invoquer ce précédent pour écarter l’application de l’article 89 de la Constitution, qui définit la voie normale de révision de notre texte fondamental et empêcherait, tant qu’Emmanuel Macron est à l’Elysée, le RN d’imposer son référendum constitutionnel en contournant le Parlement.

Seul un président RN pourra lever cet obstacle, mais au prix d’une grave crise constitutionnelle. En effet, après 1969, l’article 11 n’a plus été utilisé pour modifier la Constitution, et la plupart des juristes, comme le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, considèrent que la Constitution ne peut être révisée par cette voie. Relancée par le journaliste Thomas Legrand sur France Inter, le 12 avril 2022, Marine Le Pen a, au contraire, assumé de s’opposer au Conseil constitutionnel sur ce point essentiel.

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En citant dans son exposé des motifs un extrait de l’allocution du 20 septembre 1962 du général de Gaulle défendant le recours à l’article 11, la proposition de loi constitutionnelle du RN du 25 janvier 2024 montre que le parti n’a pas changé de position et qu’il prépare clairement un affrontement futur, si sa leader est élue présidente. C’est là où le scénario des cent jours devient une perspective crédible, alors qu’il est manifeste que la stratégie d’un RN au gouvernement sera de pousser Emmanuel Macron à la démission.

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