Des enfants dans le camp de Jargeau (Loiret), dans les années 40.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Voici à peu près trente ans qu’Henri-François Imbert promène ses documentaires sur nos toiles. Ton singulier, mêlant l’enquête et le journal intime, traitement homéopathique, présence discrète, confidentielle. On se souvient nettement, malgré le temps passé, de Sur la plage de Belfast (2000), dans lequel un film super-8 incitait le réalisateur à se mettre en quête de ses protagonistes. Il signait plus tard No Pasaran, album souvenir (2003), où une série incomplète de cartes postales retrouvées chez lui donnait le point de départ d’une évocation du destin des républicains espagnols réfugiés en France en 1939, et parqués dans des camps – préludes à ceux dits « de concentration » – à l’issue de la victoire franquiste.

La réédition, non fortuite, de ce très beau film en salle est à rapprocher de celle du nouvel opus d’Imbert, intitulé Le Temps du voyage. L’internement dans des camps de populations marginalisées sur le territoire français leur sert de trait d’union. Il s’agit cette fois des Tziganes, auxquels le réalisateur, à l’occasion d’une invitation fortuite à une conférence en 2016, et au fil des rencontres qui s’ensuivront, consacre ce film. On part ainsi, à sa suite, dans une évocation au long cours de leur destin, plus particulièrement marquée par le souvenir des camps d’internement où ils furent durement parqués durant la seconde guerre mondiale et par leur inscription contemporaine dans la société française.

Histoire d’une résilience

Du camp de Jargeau dans le Loiret, réduit à l’état de vestige mémoriel, à l’activité de quelques membres de la communauté gitane d’Adge (Hérault) aujourd’hui, qui misent sur l’entretien de leur culture pour pallier la sédentarisation, c’est une histoire assez peu reluisante, faite d’incompréhension et d’humiliation, que nous invite à considérer ce film, en même temps que celle, plus vitaliste, d’une longue résilience. Songe-t-on, par exemple, que le livret de circulation, mesure discriminatoire évitant l’octroi d’une carte d’identité et des droits afférents, a perduré jusqu’à 2017 ?

Il y a peu de surprise à considérer l’histoire en filigrane que dessine le film, tant les visions d’un Etat fort et centralisateur comme la France et du nomadisme tzigane rétif à tout arraisonnement territorial et spirituel paraissent contradictoires. Voici, en tout état de cause, un film qui revendique moins la construction d’un sujet circonstancié que l’impressionnisme et l’empathie d’une démarche qui se veut au diapason du destin d’un peuple. Vaste entreprise, que le hasard des rencontres dont se prévaut le film peine à circonscrire. Ce qui contribue ainsi à son charme désigne tout aussi bien sa limite.

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