Nous avons passé quelques heures à Notre-Dame de Paris, au milieu de visages émus par la Résurrection après les Cendres. Les grappes humaines se bousculent, s’interpellent, font des selfies, chahutent, rigolent. Toutes les cinq minutes, un élégant signal sonore singe un « Chuuuuuuuuuuuuuuuut », suivi d’une voix féminine en trois langues : « Silence s’il vous plaît, Silence please, Silencio por favor. » Dans le public, les langues étrangères sont écrasantes.

Lundi 8 décembre marquera le premier anniversaire de la réouverture de la cathédrale. Onze à douze millions de personnes en auront fait l’expérience en douze mois (contre 9 millions par an avant l’incendie). Le chiffre est époustouflant, dominant largement le Sacré-Cœur, le Louvre ou Versailles. Plus Notre-Dame triomphe, moins notre conviction change : il faut en faire payer l’accès. Nous l’avons déjà écrit. Nous le réitérons.

L’Eglise de France ne le veut pas, estimant que Notre-Dame est un symbole d’universalisme, de générosité, de silence, de prière, donc de gratuité qui vaut don de Dieu. C’est à la fois un chouïa vrai et largement faux. On se pince devant tant d’aveuglement, mais surtout de mauvaise foi, au point qu’une autorité catholique a pu dire qu’elle ne savait pas distinguer le touriste du fidèle. Des paquets d’églises en Espagne ou en Italie y arrivent très bien, surtout quand le bâtiment est à leur charge et que l’argent manque, faisant payer les premiers tout en conservant de larges moments de prière.

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Du reste, la distinction des publics est déjà ébauchée à Notre-Dame. Les foules de touristes accomplissent une ronde lente en empruntant le déambulatoire, font le tour, admirant chapelles, tableaux et vitraux – c’est ce chemin qu’il faut faire payer. La nef, elle, aux abords de l’autel, est veillée par un bénévole réservant une soixantaine de chaises à celles et ceux venus prier – « sans faire de photos », nous dit-il.

Notre-Dame a été restaurée grâce à 843 millions d’euros de mécénat, son entretien annuel est assuré par l’Etat, donc par le contribuable, comme celui de 86 autres cathédrales en France, mais l’évêché se permet d’afficher un égoïsme satisfait.

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