Selon un livre-enquête à paraître jeudi, le Vatican était au courant des agissements de l’abbé Pierre depuis 1955.
Les autrices de l’ouvrage se sont basées sur des archives du Saint-Siège.
Le prêtre est visé par de nombreuses accusations d’agressions sexuelles depuis 2024.

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L’Abbé Pierre visé par de nombreuses accusations d’agressions sexuelles

Le Vatican avait-il été averti des agissements de l’abbé Pierre, accusé de multiples agressions sexuelles ? Oui, et dès 1955, selon un livre-enquête à paraître ce jeudi 17 avril. Dans L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint (Allary Editions), les journalistes Marie-France Etchegoin et Laetitia Cherel, qui se sont basées sur des archives du Saint-Siège, affirment que « dès l’automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l’abbé Pierre, mais le Saint-Siège aussi ».

Une chronologique « des agissements sexuels de l’abbé de 1955 à 1957 »

Les autrices rapportent une « ‘procédure judiciaire’, entamée par l’organe de la curie romaine chargé de contrôler les mœurs et la foi des membres de l’Église, le Saint-Office », qui a été « freinée par les évêques en France, vite refermée et enterrée deux ans plus tard, en 1957 ». S’appuyant sur les archives du Dicastère pour la Doctrine de la foi, consultées par les autrices en mars 2025, le livre mentionne notamment le compte rendu d’une réunion plénière de la Suprême congrégation du Saint-Office sur le cas de l’abbé Pierre du 18 mars 1957. 

Ce « document de dix pages dresse la chronologie des agissements sexuels de l’abbé Pierre de 1955 à 1957, détaille les courriers d’alerte des cardinaux américain et canadien en 1955, et les décisions du Saint-Office », précisent les auteures. Le compte rendu de la réunion plénière rapporte que Mgr Paul-Émile Léger, l’archevêque de Montréal, ville où l’abbé Pierre s’est rendu en mai 1955, a eu connaissance des « accusations d’immoralité » à l’encontre du prêtre.

Une « crainte du scandale »

Le document relate également une demande formulée le 8 septembre 1955 par le Saint-Office au Nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège, ndlr) alors en poste en France, Paolo Marella, « de suivre de près le cas de l’abbé Pierre ». Un chanoine aurait en outre « écrit le 25 octobre 1955 au Saint-Office pour dire » qu’il savait que des « ‘choses immorales » avaient été commises par l’abbé Pierre aux États-Unis, précisent les deux journalistes. 

« C’est intéressant de voir comment ces affaires de suspicion de violences sexuelles sont gérées à l’époque, autant par le Vatican que par l’épiscopat : le mot ‘victime’ n’est jamais cité. En fait, c’est la crainte du scandale à chaque fois », explique à l’AFP Laetitia Cherel. À l’époque, « l’abbé Pierre redore le blason de l’Église », « parce qu’il arrive à toucher des gens que l’Église ne touche plus, des gens très démunis, et d’une certaine façon ça le protège », rappelle-t-elle, en soulignant son statut d’« électron libre’ dans l’Église », rappelle Marie-France Etchegoin.

Selon le pape, le Vatican savait… au moins depuis la mort de l’abbé

Fondateur d’Emmaüs, Henri Grouès, de son vrai nom, était visé fin janvier par 33 accusations de violences sexuelles, certaines émanant de personnes qui étaient des enfants au moment des faits présumés. Ces agressions sexuelles et viols, commis entre les années 1950 et 2000, ont été révélés dans trois rapports depuis juillet 2024. En France, les archives de l’Église, ouvertes de façon anticipée devant l’émotion provoquée par les révélations d’agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre, ont déjà permis de dévoiler comment, à la fin des années 1950, la hiérarchie épiscopale avait gardé le silence sur un comportement jugé « problématique », mais jamais nommé.

Dans la foulée des révélations, le pape François avait assuré en septembre que le Vatican était au courant, au moins depuis sa mort en 2007, des accusations de violences sexuelles. La Conférence des évêques de France avait de son côté formé le vœu que « le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su ».

N.K avec AFP

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