L’usage de la pellicule noir et blanc peut avoir la vertu non de nimber ses rendus de mystère mais, au contraire, d’exacerber leur crudité. A condition de recourir à quelques astuces. Ainsi, pour qu’échappe à tout romantisme son sujet – le Vercors et le rapport de l’homme à un milieu naturel pour le moins singulier –, Benjamin Bechet, 47 ans, a travaillé au flash. Il en ressort une fascinante impression de nuit américaine, technique permettant de tourner en plein jour une scène censée se dérouler la nuit et dont François Truffaut fit le sujet d’un film il y a de cela un demi-siècle.
Dans le livre que le photographe d’origine savoyarde s’apprête à publier, Le Clan (André Frère Editions), les massifs des Préalpes et ses habitants se dévoilent, sans que l’on sache si les images au moyen format ont été prises de jour ou de nuit. Ils n’en apparaissent que plus captivants. La nature en toute saison, préservée, sauvage, majestueuse, intrigue par l’acuité de ces clichés hors du temps. Les reliefs vertigineux sont élégamment mis en valeur par les contrastes des ombres et des lumières.
S’il est plus question de forêt que de montagne, c’est que Benjamin Bechet a appréhendé le Vercors davantage en tant que plateau qu’en tant que massif, si spectaculaires soient les lignes de ses sommets. Un site qui, dit-il, « colle à la peau » du peuple qui y réside. Il s’est intéressé à cet étrange effet d’insularité que le Vercors partage avec très peu d’autres lieux en Europe. On pense notamment à la curieuse formation géologique de Montserrat, près de Barcelone.
« Dimension sacrée »
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