Le rendez-vous a été donné à 5 h 45, vendredi 11 avril, à l’aéroport d’Orly. Le vol easyJet de 8 h 40 qui doit rejoindre Berlin est en retard. Ils sont une quarantaine à s’être inscrits pour ce voyage en Allemagne, à l’initiative de la Société des familles et amis des anciennes déportées et internées de la Résistance (Sfaadir). Pour les 80 ans de la découverte du camp par l’Armée rouge, le 30 avril 1945, ils tenaient à faire ce « pèlerinage » mémoriel à Ravensbrück, le plus grand camp pour femmes du IIIe Reich, où ont été déportées 8 000 Françaises dont, pour eux, une mère, une grand-mère, une tante. « Nous voulions le camp pour nous », explique la présidente de l’association, Anne Cordier, qui a préféré un voyage « plus intime », loin de la foule attendue du 1er au 4 mai pour la commémoration officielle.

L’atmosphère est enjouée mais électrique, habitée par des sentiments mêlés, une émotion contenue. C’est la septième fois qu’Anne Cordier, 73 ans, se rend à Ravensbrück, où sa mère, la résistante Sylvie Girard, a été déportée en 1944. Ce n’est jamais anodin. Une année, elle a eu une extinction de voix pendant toute la durée du séjour. Une autre, elle ne pouvait plus marcher. « Cette fois, ça va…, se persuade-t-elle. Quand il fait beau, là-bas, il y a une énergie particulière. Et puis, la survie, la libération, c’est le thème du voyage. »

Un arrière-petit-fils de Jacqueline Fleury, dans le bunker de Ravensbrück où Geneviève de Gaulle-Anthonioz a été enfermée, à Fürstenberg (Allemagne), le 13 avril 2025.

C’est la première fois qu’aucune ancienne déportée ne les accompagne. L’une des dernières survivantes, Jacqueline Fleury, 101 ans, projetait de venir, en dépit de ses difficultés à marcher et de sa vue déclinante. Mais quand sa fille, Bernadette, trésorière de la Sfaadir, lui a dit qu’elle ferait la visite en fauteuil roulant, l’ancienne résistante, silhouette menue, regard d’acier, s’est insurgée : « Ça, pas question ! » Elle n’est pas là, mais quinze de ses descendants, dont sept arrière-petits-enfants, de 10 ans à 17 ans, sont du voyage. « Je tenais à y aller avec mes enfants tant que ma grand-mère est encore là », explique Anne Fleury, 48 ans, qui reconnaît que ce passé est « lourd » pour toute la famille. Elle est soulagée de faire cette démarche au sein d’un groupe : « Nous ne sommes pas seuls à nous emparer de son histoire, nous la portons tous ensemble. »

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