Surpris, comme l’ensemble de ses collègues, par la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée par Emmanuel Macron, le 9 juin, Dominique Potier est sous pression. Ce désormais ex-député socialiste de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle est reparti labourer le terrain sous l’étiquette « divers gauche » face à une redoutable concurrence Rassemblement national (RN).

Il l’avait déjà affrontée au second tour des élections législatives de 2022. Lui qui a également été agriculteur ne peut que constater la montée du vote d’extrême droite dans cette profession même si, selon lui, « la tradition républicaine, ses valeurs, me semble mieux résister au sein des agriculteurs que dans le reste de la population française ».

Cette vague de vote pour l’extrême droite a séduit des électeurs traditionnellement très majoritairement ancrés à droite. Même si elle est difficile à quantifier. Et pour cause : depuis des décennies, les rangs des paysans ne cessent de se dégarnir sur le territoire national. Selon le dernier recensement mené par le ministère de l’agriculture avec des données collectées en 2020, le nombre d’exploitations est passé sous la barre des 400 000, à 390 000. En dix ans, le précédent pointage datant de 2010, 100 000 fermes ont été rayées de la carte. En plaçant le curseur un demi-siècle plus tôt, on constate encore plus l’ampleur de l’hémorragie. En 1970, la France comptait alors 1,5 million d’exploitants agricoles.

Attachement à la droite républicaine

Dilués dans les panels représentatifs de la population française, les choix électoraux des agriculteurs deviennent plus difficiles à cerner. Le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) a donc décidé de lancer une enquête plus spécifique avant les élections européennes en interrogeant, courant avril, 1 258 exploitants agricoles sur leur intention de vote. De quoi mener ensuite une comparaison avec les Français − Enquête Ipsos pour le Cevipof, Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne qui sonde l’ensemble de la population.

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Premier fait marquant, la liste Les Républicains (LR) obtient plus de 14 % des intentions de suffrage, au coude-à-coude avec celle de Renaissance. Soit le double des intentions exprimées au niveau global. Une démonstration de l’attachement des exploitants agricoles à la droite républicaine. Mais le slogan « Mangez des pommes », attaché à Jacques Chirac, longtemps cité comme illustration de ce lien privilégié, a perdu des couleurs.

Signe d’un véritable basculement, 26 % des agriculteurs sondés étaient prêts à glisser un bulletin Jordan Bardella (RN) dans l’urne, contre 30 % pour l’ensemble de la population. Quant à Marion Maréchal (Reconquête !), elle décroche, auprès de cette profession, un score de 7 %, quasi le double de celui recueilli sur l’ensemble de la population. La liste Chasse et ruralité conduite par Willy Schraen, atteint un même niveau d’adhésion, ce soutien étant une des spécificités d’un certain vote agricole, sensible au discours antiécologiste et de promotion des valeurs rurales traditionnelles.

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