La hausse des baptêmes catholiques d’adultes (4 278 en 2022, 7 135 en 2024) et plus encore d’adolescents (1 650 en 2022, 5 025 en 2024) a été accueillie avec humilité par les évêques français. Que cette croissance intervienne dans un contexte très difficile pour la première religion de France (crise des abus et des vocations, baisse de la pratique et de la catéchèse, perte d’influence politique) a été lu comme relevant de la grâce, conformément à une herméneutique chrétienne selon laquelle c’est dans la faiblesse que Dieu se manifeste.

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Dans une perspective de sciences sociales, ce boom inattendu peut être mis en lien avec trois dynamiques plus globales. La première est la diminution du catholicisme dans la société française. L’augmentation des baptêmes chez les plus de 11 ans s’intègre dans la transition séculière, dans laquelle est engagée la France depuis le XVIIIe siècle. Celle-ci s’est accélérée depuis les années 1960, avec la crise de la transmission intergénérationnelle du catholicisme. Trois quarts des enfants étaient baptisés avant 7 ans en 1974, la moitié en 1996. Ils ne sont plus qu’un quart à l’être en 2024.

Au fur et à mesure que la population des non-baptisés augmente, le vivier des adolescents et des adultes potentiellement candidats au baptême s’élargit. Qu’un petit nombre de ceux qui n’ont pas été baptisés enfants veuillent l’être à l’âge adulte est le corollaire paradoxal de la diminution de la surface sociale du catholicisme.

Libre choix convictionnel

Le phénomène s’inscrit également dans un mouvement d’individualisation des valeurs, qui conduit à voir l’affiliation religieuse non plus comme une identité collective héritée, mais comme l’aboutissement d’un cheminement personnel. Le non-baptême des enfants au sein de familles de culture catholique n’est pas seulement la conséquence d’un éloignement religieux, mais aussi la manifestation de l’adhésion des parents à un idéal de libre choix convictionnel (« ils choisiront quand ils seront plus grands »).

L’Eglise catholique elle-même a intégré cette perspective. Dans le sillage du concile Vatican II, elle est passée d’une vision performative du baptême, qui incorporait de droit et de fait à la communauté chrétienne les nourrissons, à une théologie qui valorise davantage la participation active du sujet à son initiation religieuse. Dans les années 1970, des théologiens et des prêtres ont critiqué le caractère conformiste de la demande de sacrements, considérant qu’elle relevait souvent d’un simple besoin de rites de passage. En un certain sens, l’augmentation des catéchumènes est aussi la conséquence d’un repositionnement sur la dimension non plus culturelle mais existentielle du christianisme, qui requiert l’authenticité de l’implication de celui qui s’en réclame.

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