[Le politiste américain Joseph S. Nye Jr, qui a forgé le concept de « soft power », soit « la capacité d’influencer les autres par l’attraction et la persuasion plutôt que par la coercition et l’achat », est mort le 6 mai. Peu avant son décès, il a livré une analyse de l’avenir de ce concept à l’heure de la présidence de Donald Trump, que nous publions ici.]

La puissance est ce qui vous permet d’obtenir des autres ce que vous souhaitez, par la contrainte (le bâton), la récompense (la carotte) ou la séduction (le miel). Les deux premières méthodes constituent des formes de hard power, la troisième correspondant au soft power. Cette « puissance douce » émane de la culture d’un pays, de ses valeurs politiques et de sa politique étrangère. A court terme, le hard power prime généralement sur le soft power. Sur le long terme, en revanche, c’est bien souvent le soft power qui prévaut. Joseph Staline aurait un jour demandé, non sans ironie : « Le pape, combien de divisions ? » Or, la papauté vit encore, tandis que l’URSS n’est plus qu’un lointain souvenir.

Lorsque vous apparaissez séduisant, vous pouvez faire l’économie de la carotte et du bâton. Si vos alliés vous considèrent comme un acteur bienveillant et fiable, ils seront probablement plus faciles à convaincre, et plus enclins à vous suivre. S’ils voient au contraire en vous un acteur brutal et peu fiable, ils seront plus susceptibles de freiner des quatre fers, et de réduire leur dépendance à votre égard dès qu’ils le pourront.

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L’Europe de la guerre froide constitue une bonne illustration de ce principe. L’historien norvégien Geir Lundestad décrit ainsi à cette période un continent divisé en deux empires, l’un soviétique, l’autre américain, avec toutefois une différence cruciale entre les deux : le camp américain était un « empire par invitation ». Cette dissemblance est devenue évidente lorsque les Soviétiques ont déployé des troupes à Budapest, en 1956, ainsi qu’à Prague, en 1968. Par opposition, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a depuis non seulement survécu, mais également vu augmenter le nombre de ses membres grâce à des adhésions volontaires.

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