LA LIST DE LA MATINALE
Le cinéma a la bougeotte cette semaine. Dans le passionnant Le Rire et le Couteau, de Pedro Pinho, un ingénieur portugais parcourt la Guinée-Bissau porté par son travail et son désir. Avec Jeunesse (retour au pays), Wang Bing conclut sa trilogie sur les ateliers textiles de Zhili en suivant les jeunes ouvriers rentrant dans leurs villages parfois à des milliers de kilomètres de là. Dans Amour, du Norvégien Dag Johan Haugerud, Tor et Marianne, multiplient les allers-retours en ferry entre Oslo et la presqu’île de Nesodden. Comme un air de vacances.
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« Le Rire et le Couteau » : la fin des certitudes
Aujourd’hui, pour refaire le monde, il faut se déplacer un peu. Le cinéaste portugais Pedro Pinho l’a bien compris : il installe Le Rire et le Couteau, l’un des plus beaux films cannois, dévoilé à Un certain regard, en Guinée-Bissau, pays d’Afrique de l’Ouest devenu indépendant en 1974. Où l’on voit débarquer dès la première image un ingénieur portugais, Sergio (Sergio Coragem), sourire bienveillant au volant de sa voiture poussiéreuse.
Le Rire et le Couteau, c’est l’histoire d’un Européen, a priori progressiste, conscient des enjeux postcoloniaux, qui croyait tenir sa grille de lecture du monde mais perd peu à peu ses certitudes. Il va devoir s’adapter, faire le point, et c’est d’ailleurs à travers son regard, véritable ciel changeant, que l’acteur réussit à imprimer le trouble qui traverse son personnage désarmant. Œuvre torrentielle, de l’équilibre instable et des identités jamais figées, Le Rire et le Couteau nous met des étincelles dans la rétine, au vu de la beauté de l’image, de la liberté que s’autorise le cinéaste, lâchant les cadres du récit et les brides du désir.
Le film déroule des histoires de vies contrariées, exposées à la violence, qui essaient toutefois de toucher le sublime, par instants. On l’atteint, justement, lors d’une scène fusionnelle au bord de la mer, où Sergio et les autres partagent un moment apaisé, à côté des vaches immobiles. Dans un collage génial, Pinho capte le corps de Gui en maillot une pièce, dans la perspective de l’animal… Avant que Gui ne plonge dans les vagues, léger comme une goutte dans l’océan. Cl. F.
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