Antoine Renard est directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) en Palestine. Le Monde l’a joint alors qu’il est en mission en Gaza.

Vous êtes à Gaza depuis lundi 28 juillet. Quels signes de famine constatez-vous ?

Les visages très émaciés que l’on voit sont un indice de la vague de faim en cours. A Deir Al-Balah, une mère de famille m’a dit passer parfois deux jours sans manger afin de nourrir ses trois enfants, auxquels elle n’est en mesure de donner qu’un peu de pain pita, et avoir perdu 20 kilos depuis le début de la guerre [en octobre 2023]. Les individus qui ont pu aider au cours des vingt-deux mois passés cette famille, déjà très pauvre avant le conflit, n’en ont plus les moyens : chaque foyer à Gaza est à un stade de survie.

Près de Khan Younès, un père de trois enfants, aux visages très fins, m’a rapporté qu’il s’était rendu, pour la première fois, à proximité des convois d’aide, parce que les systèmes de distribution alimentaire sont dans l’incapacité de fonctionner et qu’il n’y a plus qu’une soixantaine de cuisines collectives dans toute la bande de Gaza. Il a réussi à obtenir un sac de farine. Il pleurait en me parlant : un homme qu’il avait vu sur place avec son enfant était mort après avoir reçu une balle perdue. C’est vous dire le niveau de désespoir : les Gazaouis risquent leur vie pour 1 kilo de farine.

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Vous parlez de vague de faim, pas de famine…

Selon l’alerte de l’IPC [un organe de surveillance de la faim dans le monde, soutenu par les Nations unies] lancée le 28 juillet [qui prédit une hécatombe, sans mesures urgentes], deux des trois conditions menant à la famine sont réunies, dont un taux de malnutrition de plus en plus aiguë – deux enfants sur dix sont malnutris. Le troisième critère est le nombre de décès : les hôpitaux sont submergés, aussi les statistiques disponibles sont insuffisantes pour permettre à l’IPC de déclarer une famine. Aujourd’hui, un demi-million de personnes sont en danger de famine. Une nouvelle évaluation est en cours : si la situation reste la même, si nous faisons face aux mêmes défis pour acheminer de la nourriture, il y a de fortes probabilités que nous basculions dans une famine généralisée.

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