Le 20 novembre 1969, Heinrich Riebesehl a passé cinq heures et trente-cinq minutes dans l’ascenseur de l’immeuble accueillant la rédaction de la Neue Hannoversche Presse, quotidien de gauche de la capitale du Land de Basse-Saxe (nord de l’Allemagne). Dans la matinée, le photographe allemand (1938-2010) y a caché un appareil de petit format.

De 10 h 35 à 12 h 30, puis de 13 h 30 à 17 heures, il s’est installé dans l’habitacle et, avec un déclencheur, a photographié à leur insu les « passagers », les employés du journal. En parcourant les dizaines d’images de la série « Menschen im Fahrstuhl » (« gens dans l’ascenseur »), on perçoit que certains devinent la présence de l’appareil quand d’autres ne se rendent compte de rien. Certains semblent inquiets, sans qu’on en comprenne la raison.

Au cours de ces cinq heures, Heinrich Riebesehl a vu défiler toutes les strates de l’entreprise : les cadres dirigeants en complet-cravate, les employés en bleu de travail, des jeunes peu motivés saisis en plein bâillement matinal, des assistantes en minijupes… Certains portent des ramettes de papier, des magazines ou des sacs de provision. Tout l’organigramme de l’entreprise défile devant l’objectif avec le même cadrage. Tous différents les uns des autres, tous au même niveau.

Une tocade pour la classification

Jusqu’au 14 juillet à la Fondation Prada, à Milan, dans le cadre de l’exposition « Typologien. La photographie dans l’Allemagne du XXe siècle », cette série d’images se mêle à d’autres, toutes aussi obsessionnelles. Sont présentés les châteaux d’eau, entrepôts et bâtiments industriels du couple Bernd et Hilla Becher, les images de presse de victimes du terrorisme collectées par Hans-Peter Feldmann, les immeubles d’habitation d’Andreas Gursky. Une vaste exposition dédiée, donc, non seulement à la photographie allemande, mais à sa tocade pour la classification.

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