Les Vérificateurs lancent une série autour des fausses informations historiques très répandues.
L’objectif : rétablir la vérité en partenariat avec l’essayiste Philippe Valode et son ouvrage « Les Grandes rumeurs de l’Histoire ».
Épisode N°1 : la grande duchesse russe Anastasia aurait-elle survécu au massacre de sa famille les Romanov par les bolchéviques en 1918 ?
Suivez la couverture complète
L’info passée au crible des Vérificateurs
Vous la connaissez forcément de nom, ou peut-être par le dessin animé de Disney : Anastasia Nikolaïevna Romanova de Russie, plus connue sous son simple prénom « Anastasia ». Fille du dernier tsar de Russie Nicolas II, la grande-duchesse est au cœur d’une des rumeurs les plus folles de l’Histoire, racontée dans le livre de l’essayiste spécialisé dans les chroniques historiques Philippe Valode Les Grandes rumeurs de l’Histoire aux éditions Opportun (nouvelle fenêtre).
Tout commence là où tout se termine tragiquement pour elle : en juillet 1918, la famille Romanov est en exil à Ekaterinbourg, en Sibérie russe, alors que la guerre civile s’intensifie et que l’armée bolchévique gagne du terrain. La décision est prise, vraisemblablement par Lénine en personne, d’éliminer toute la famille du tsar. Le 17 juillet à 2 heures du matin, Nicolas II, son épouse l’impératrice Alexandra Fiodorovna, leurs cinq enfants ainsi que leurs serviteurs sont sauvagement abattus de balles dans la tête et achevés à coup de baïonnettes dans le sous-sol de la maison où ils étaient cachés.
Tous ? Un doute subsiste concernant leur quatrième fille, Anastasia, âgée alors de 17 ans. Doute alimenté à la fois par des témoignages des tortionnaires, affirmant que six personnes auraient été tuées au lieu de sept. Puis par des déclarations de proches de la famille qui assurent qu’Anastasia n’est pas morte. Les rumeurs les plus folles circulent : les bijoux et diamants incrustés dans sa robe l’auraient protégés des balles.
Anna Anderson, l’usurpatrice
La rumeur va durer près d’un siècle, et elle va surtout être alimentée par une personne : une jeune femme polonaise connue sous le nom de « Anna Anderson ». Elle rentre dans l’histoire en 1920, alors qu’elle vient de se jeter du haut d’un pont à Berlin. Secourue, elle refuse de décliner son identité, et affirme deux ans plus tard être une princesse russe rescapée. Pour beaucoup, c’est l’évidence : il s’agit de la grande-duchesse Anastasia. La ressemblance entre les deux femmes est pourtant loin d’être évidente, jugez par vous-même.

Malgré les démentis des proches de la famille impériale réfugiés en Europe et des enquêtes prouvant que la jeune femme s’appelle en réalité Franziska Schanzkowska et qu’elle souffre de problèmes psychiatriques, l’histoire est l’occasion pour certain d’alimenter le mythe et de gagner un peu d’argent. Ainsi, la fille du médecin du tsar Nicolas II, Tatiana Botkine, raconte dans son livre Anastasia retrouvée qu’elle est convaincue qu’Anna Anderson était bien Anastasia, sans véritable preuve. Et elle n’est pas la seule : plusieurs ouvrages, dont celui du journaliste français Dominique Auclères, Anastasia, qui êtes-vous ?, auront la même conclusion. Alors même qu’une incohérence de taille existe : Franziska Schanzkowska est née cinq ans avant Anastasia Nikolaïevna Romanova.
« Anna Anderson » meurt en 1984 aux États-Unis sans jamais avoir prouvé son identité. « C’est une rumeur inouïe puisqu’elle a duré 69 ans et que jamais aucun tribunal [en Allemagne notamment où des procès ont eu lieu, ndlr] n’a pu prouver que Mme Anderson n’était pas Anastasia », estime Philippe Valode.
Un mystère élucidé en 2007
La vérité met plus de 80 ans à éclater, d’autant plus qu’en 1990, à la chute de l’URSS, lorsque les corps des Romanov sont exhumés, il manque deux enfants. Mais où est donc Anastasia ? Ce n’est qu’en 2007 que de nouvelles fouilles permettent de trouver ces fameux deux derniers corps, enterrés à environ 60 mètres des premiers : un garçon de 13 ans, correspondant au plus jeune fils du tsar, Alexeï, et une jeune femme d’environ 19 ans, Maria, la troisième fille. Des analyses ADN sont effectuées en Russie puis aux États-Unis et confirment qu’il s’agit bien des deux derniers enfants du tsar Nicolas II. Conclusion : tous les corps ont bien été retrouvés, et celui d’Anastasia faisait bien partie de ceux exhumés en 1990, puis inhumés le 16 juillet 1998 sous la présidence de Boris Eltsine.
Que retenir de cette histoire ? Pour Philippe Valode, « Anastasia pourrait être le symbole de la Sainte Russie, celle des églises dans lesquelles Vladimir Poutine va encore prier aujourd’hui. Du côté russe, on n’avait pas envie de voir partir la grande-duchesse parce que le tsariste fait partie de l’héritage russe. Et d’ailleurs, c’est bien ce qu’on voit encore aujourd’hui. C’est la même ambition depuis trois siècles ».
La semaine prochaine, retrouvez notre deuxième épisode des « Grandes rumeurs de l’Histoire » : la ville de Salem était-elle contrôlée par des sorcières ? Et si vous souhaitez que nous parlions d’une rumeur historique, écrivez-nous à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.