A la suite du débat du 10 septembre, dans lequel Kamala Harris a bien tiré son épingle du jeu face à Donald Trump, on a senti un emballement au sein de la gauche américaine, dans la presse ou sur les réseaux sociaux : « Kamala avait écrabouillé Trump », « c’était un triomphe », « un tournant de la campagne », « cela allait être difficile pour Trump de s’en remettre », etc.

Les supporteurs de Harris devraient toutefois garder la tête froide, les jeux ne sont pas faits. Les élections de 2016 nous l’ont appris : aucune règle habituelle de la politique américaine ne s’applique à Trump, d’autant plus que nul ne peut prédire l’impact qu’aura sur l’opinion la deuxième tentative d’assassinat dont il aurait été victime, le 15 septembre. Le retour tragique de la violence politique dans le débat aux Etats-Unis (on pense évidemment aussi à l’attaque du Capitole en janvier 2021) peut en effet amener à une mutation du système que l’on a du mal à appréhender.

​Dans l’immédiat, à cinquante jours de l’élection, reconnaissons tout d’abord que Trump est un animal politique, qu’on le veuille ou non. Si l’on pouvait se gausser de son manque total d’expérience politique et électorale quand, en juin 2015, dans une scène désormais mythique, il a descendu l’Escalator de la Trump Tower et a annoncé sa candidature aux primaires républicaines, on peut le considérer maintenant comme le leader américain le plus capé. Personne d’autre dans le paysage politique contemporain n’a participé à autant de débats présidentiels (celui du 10 septembre était son septième) ou n’est parvenu à être candidat trois fois de suite, record inégalé depuis près d’un siècle et les quatre candidatures de Franklin D. Roosevelt dans les années 1930 et 1940.

Scandales en série

​Cette longévité nous paraît d’autant plus incompréhensible que les casseroles de Trump se sont accumulées depuis sa première campagne. Une liste loin d’être exhaustive suffit à donner une impression vertigineuse : la fuite de l’enregistrement où il explique qu’il ne peut s’empêcher d’« attraper les femmes par la chatte », les insultes répétées aux soldats américains morts au combat (des « losers »), l’ingérence russe dans la campagne de 2016, ses deux impeachments (pour avoir essayé de faire chanter le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, puis pour son rôle dans l’insurrection du 6 janvier 2021), la condamnation dans l’affaire de la star du porno Stormy Daniels, la gestion catastrophique de l’épidémie due au Covid-19 (symbolisée par sa suggestion d’avaler de l’eau de Javel pour guérir du virus) ou encore le vol de documents classés secret-défense…

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