On n’a pas fini d’explorer tout le spectre des effets délétères du bisphénol A (BPA). Classé perturbateur endocrinien en Europe, ce plastifiant est parmi les plus utilisés au monde et imprègne à des degrés divers la quasi-totalité de la population des pays occidentaux ; il est mis en cause par la communauté scientifique compétente depuis plus de deux décennies, notamment pour les risques qu’il représente lors des expositions de la femme enceinte, l’enfant à naître pouvant être prédisposé à développer, plus tard dans la vie, une variété de troubles : cancer du sein et du testicule, fertilité réduite, troubles du métabolisme accentuant les risques de diabète et d’obésité, altération du système immunitaire, etc.

L’association entre troubles du spectre autistique et BPA a également été mise en évidence par plusieurs études, mais celle publiée le 7 août dans la revue Nature Communications représente une avancée potentiellement décisive et est appelée à faire date.

Combinant l’épidémiologie, la génétique et l’épigénétique, ainsi que des études humaines et animales, ces travaux ont été menés par une quarantaine de chercheurs de près de trente institutions scientifiques en Australie, aux Etats-Unis et au Canada. Comme d’autres publications antérieures, celle-ci indique que les garçons ayant été exposés in utero à des taux élevés de bisphénol A ont un risque accru de développer un syndrome autistique, mais les chercheurs sont cette fois parvenus à mettre en lumière un mécanisme biologique susceptible d’élucider l’un des modes d’action du BPA sur le cerveau en développement. La mise en évidence d’un tel mécanisme est une étape-clé dans la démonstration d’un lien de causalité.

Les auteurs se sont appuyés sur une cohorte australienne d’un millier d’enfants dont les mères ont été suivies pendant leur grossesse – l’exposition de ces dernières au plastifiant par le biais de leur environnement quotidien et de leur alimentation (cosmétiques, contenants alimentaires, emballages plastiques, etc.) ayant été mesurée. Les auteurs ont divisé en quatre quartiles les femmes suivies, des plus exposées au moins exposées, et ont comparé les enfants nés des femmes de chaque groupe. Pour les filles, aucune différence significative : celles les plus exposées in utero au BPA n’ont pas été plus probablement touchées par un trouble du spectre autistique que celles les moins exposées. Pour les garçons, c’est une autre histoire, et elle est un peu plus complexe.

« Changements neurologiques »

En effet, le système nerveux central des garçons ne se développe pas selon les mêmes modalités que celui des filles. Le développement du cerveau mâle, expliquent les auteurs, repose en partie sur une enzyme – l’aromatase – capable de convertir certaines hormones en d’autres, nécessaires à la construction cérébrale. Comme en ce qui concerne les filles, pour les garçons ayant naturellement un haut niveau d’activité de l’aromatase, l’exposition prénatale au BPA n’est pas associée à un surrisque significatif d’autisme.

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