Depuis 2020, le pourcentage de maires insatisfaits de l’indemnité perçue ne cesse de progresser, selon une enquête.
Près d’un maire sur deux (48%) juge le montant de l’indemnité perçue comme insuffisant, contre 25% en 2020.
Une revalorisation a pourtant été accordée en 2019 pour les élus des communes de moins de 3500 habitants.
Mise en vente d’une préfecture sur Leboncoin en Haute-Marne, banderoles sur la mairie de Bordeaux, appel à une « démission généralisée » à Verdun (Meuse)… La colère des élus locaux est sensible à la veille du Congrès des maires, organisé à Paris mardi, mercredi et jeudi. Des enquêtes réalisées auprès des maires en 2019, 2020, 2022 et 2023 par l’Observatoire de la démocratie de proximité, mis sur pied par le CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po, permettent de mieux cerner les ressorts de la colère des maires et les difficultés qu’ils rencontrent .
Selon ces enquêtes (nouvelle fenêtre) réalisées en partenariat avec l’Association des maires de France (AMF), le pourcentage des maires insatisfaits de l’indemnité perçue ne cesse de progresser depuis 2020. Près d’un maire sur deux (48%) juge insuffisant le montant de cette indemnité, contre 25% en 2020. A contrario, 33% des maires estiment que ce montant est satisfaisant, alors qu’ils étaient 56% en 2020.
« Urgence à agir »
La demande d’amélioration des conditions financières de l’exercice du mandat de maire n’est pas nouvelle. En novembre 2023, l’AMF a formulé en vue des élections municipales de 2026 une série de propositions (nouvelle fenêtre), notamment « augmenter le montant des indemnités de fonction pour tous les élus et, pour les maires, qu’il soit équivalent au traitement d’un cadre ou d’un directeur général des services (DGS) ».
Le 16 novembre 2023, le Sénat proposait également de revoir à la hausse les indemnités des élus municipaux pour stopper la crise des vocations et l’hémorragie des démissions depuis 2020. Dans un « rapport flash » publié peu avant le congrès des maires, les sénateurs Françoise Gatel (UDI), François Bonhomme (LR) et Eric Kerrouche (PS) évoquaient une « urgence à agir », rappelant que « la juste indemnisation » des élus est un « enjeu démocratique majeur ».
À la même époque, devant un millier d’élus réunis à l’Elysée, Emmanuel Macron annonçait qu’un texte de loi abordant les questions de rémunération, de formation et de reconversion des élus locaux serait « finalisé » en 2024, pour « régler une partie du problème ». Ce texte n’a à ce stade pas vu le jour mais le ministère chargé des Collectivités territoriales et de la ruralité a rappelé cet été auprès de la Gazette des Communes (nouvelle fenêtre)que les indemnités des maires « ont été fortement revalorisées ces dernières années ».
Des hausses de 20 à 50% pour certains maires
D’une part, les montants plafonds des indemnités de fonction des élus des communes de moins de 3500 habitants ont bénéficié mécaniquement, comme les autres élus locaux, des revalorisations du traitement indiciaire de la fonction publique. Outre ces augmentations générales, les élus des communes de moins de 3500 habitants ont fait l’objet d’un traitement spécifique dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Comme le précise le ministère, les indemnités des élus des communes de moins de 500 habitants ont alors été revalorisées de 50%, celles des élus des communes de 500 à 999 habitants de 30% et celles des élus des communes de 1000 à 3499 habitants de 20%. Les élus des communes de 3500 habitants et plus n’ont quant à eux pas bénéficié de ces augmentations.
Ces hausses ne sont pour autant pas suffisantes et commencent à dater, ont jugé les sénateurs Françoise Gatel, François Bonhomme et Eric Kerrouche. L’inflation et la crise des vocations ont « changé la donne », ont alerté ces élus dans leur « rapport flash », estimant que le mandat local pénalise trop souvent financièrement ceux qui l’exercent, ce qui favorise les retraités au détriment de profils plus diversifiés.
Si les associations d’élus réclament une revalorisation des indemnités, l’opinion publique n’y est en revanche pas forcément prête. Selon Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po, il existe « un risque réel que les citoyens comprennent une revalorisation comme un privilège accordé à des élus qu’ils ne tarderaient pas à qualifier de professionnels de la politique locale ». « Or, c’est précisément parce que les maires sont moins perçus comme des professionnels de la politique et facilement accessibles qu’ils bénéficient d’un niveau élevé de confiance », rappelle ce chercheur au CEVIPOF,. Selon le baromètre annuel de la confiance politique élaboré par le CEVIPOF, dévoilé en février 2024, 60% des Français déclarent faire confiance aux maires, faisant des édiles les seuls élus du paysage politique à dépasser la barre des 50%.