Quand elle a décidé de se séparer de son conjoint, Francine Lopes a dû réorganiser toute sa vie. Ses enfants avaient alors 4 et 8 ans. D’abord changer de logement, malgré elle. « Nous avions fait construire notre maison, mais pour la garder il me fallait rembourser 900 euros par mois. Ça, plus la taxe foncière et la taxe d’habitation, c’était impossible », explique-t-elle, entourée de ses deux chiens, sur le canapé de son logement social, un trois-pièces d’une cité d’Egly, dans l’Essonne. « J’aurais bien voulu vivre ailleurs, dit-elle en jetant un regard au-dehors. Mais je n’avais pas le choix, et j’ai eu la chance que la mairie me le propose au bout de six mois. »

Pour cette ancienne caissière, devenue vendeuse produits et services à l’accueil d’un hypermarché à vingt kilomètres de chez elle, « le plus compliqué » fut cependant de trouver comment faire garder ses enfants, dont elle assume seule la charge, alors que son planning l’oblige aux horaires décalés : « Je finissais déjà régulièrement à 22 heures, je travaillais le week-end et certains jours fériés pour joindre les deux bouts et, malgré cela, payer une nounou me revenait trop cher. Ma sœur m’a aidée les premières années. Mais je les ai laissés très tôt, très seuls. C’est pour ça qu’ils m’ont demandé des chiens : avec eux, personne ne vous embête. »

Les obstacles, comme les sacrifices, furent nombreux. Avec un salaire mensuel de 1 600 euros, complété par seulement 210 euros d’une pension alimentaire versée souvent en retard, pour payer cantine, titres de transport, téléphones, assurances, paires de lunettes et semelles orthopédiques, et aucun effort de son employeur pour adapter son planning. Il n’y eut jamais de vacances en famille. Et il a fallu aussi souscrire un crédit pour financer les études des enfants.

Lire les témoignages | Article réservé à nos abonnés Les familles monoparentales, en première ligne de la crise sociale et sanitaire

Francine décrit néanmoins ces péripéties avec un grand calme, presque comme une évidence. C’est que son frère, sa meilleure amie, plusieurs collègues et voisines sont, comme elle, séparés avec enfants. Et jonglent avec les plannings et les pensions. Leur situation n’a en effet plus rien d’exceptionnel. Aujourd’hui, une famille sur quatre est monoparentale, le plus souvent à la suite d’une séparation, alors qu’elles représentaient moins de 10 % des familles dans les années 1970.

Travail transpartisan

Une évolution sociétale massive, dont médias et politiques ont mis du temps à prendre conscience, tout comme la statistique publique : de l’Insee au Trésor public, il n’existe pas de définition harmonisée de ce qu’est une « famille monoparentale ». Un flou qui se retrouve dans l’instabilité du champ lexical : on parle ici de « parent isolé », de « mère célibataire » ou de « maman solo » : dans 82 % des cas, ce sont en effet les femmes qui élèvent seules les enfants.

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