« En Espagne, on dit que lorsque l’homme a posé le pied sur la Lune, il y avait déjà un Galicien là-bas. Cette blague illustre une réalité : dans ma Galice natale, terre de pauvreté avec ses villages isolés, l’émigration était courante. Des membres de ma famille étaient partis à Cuba, d’autres aux Etats-Unis. Moi, j’ai choisi la France – et je ne l’ai jamais regretté.

En 1967, j’avais 17 ans. Après trois ans passés à Barcelone, où je m’étais occupée des enfants de ma tante, décédée lors de son second accouchement, je suis rentrée à Torbeo, mon village natal. Un petit village de montagne, sans eau courante, ni électricité, ni transports. J’y apprenais la couture auprès d’une femme du village. Mais au fil des mois, l’idée de passer mes journées à coudre me déplaisait.

Un jour, ma sœur, 20 ans, m’a dit qu’elle pensait partir en France, où vivait notre mère depuis 1960. J’avais 10 ans quand elle était partie chercher du travail à Paris, pour nous offrir une vie meilleure. Depuis, nous ne la voyions qu’en août, pendant les vacances. Notre père, lui, n’avait jamais envisagé de quitter le village. Chef de chantier, il restait très attaché à sa terre. Mais notre mère nous manquait, et à Torbeo il n’y avait pas d’avenir. Ma sœur et moi avons décidé de la rejoindre. Mon père ne s’y est pas opposé. Il nous a dit qu’il viendrait nous rendre visite à Noël et qu’on rentrerait au village chaque mois d’août, comme le faisait ma mère.

Le 20 septembre, en fin d’après-midi, nous avons pris le train depuis San Clodio. J’étais très excitée par le voyage. Dans le train, il y avait beaucoup de Portugais – sans doute plus que d’Espagnols. Le trajet jusqu’à Paris a duré près de vingt-quatre heures.

« Une intégration en douceur »

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