Face au #metoo des armées, Sébastien Lecornu a décidé de convoquer l’outil administratif le plus puissant à sa main en commandant à l’inspection générale des armées un rapport, qui sera dévoilé fin mai. La réaction du ministre démontre une prise de conscience : face aux conflits internationaux, en Europe, en Afrique et ailleurs, nous avons besoin d’une armée forte, exemplaire, à l’avant-garde de la République.

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Or les affaires de violences sexuelles, sexistes et racistes relatées font apparaître de profondes faiblesses : le caractère dérisoire des peines judiciaires et des sanctions administratives au regard du droit commun révèle des problèmes évidemment structurels. Rien ne justifie que les victimes, aux profils diversifiés, soient conduites à la démission, alors que les agresseurs reconnus pénalement demeurent sous les drapeaux.

Les témoignages recueillis notamment par la députée [Renaissance] Laetitia Saint-Paul laissent transparaître une singularité glaçante : trop souvent, une autorité supérieure devient un élément du processus, généralement pour avoir « couvert » des actes sous une forme ou une autre, en atténuant leur portée, voire en donnant des promotions à leurs auteurs. Dès lors, ces interférences hiérarchiques confèrent une dimension systémique au problème, et toute solution centrée sur le seul binôme victime-agresseur demeurera de facto insuffisante.

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Les réponses doivent être structurelles, donc ici s’attacher au cœur même de l’institution et de ses rapports à la justice, à la loi, et avec tout ce qui fonde les relations sociales en son sein. Comment ne pas voir que l’absence de diversité au plus haut niveau des commandements a des impacts réels ? Selon le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, les femmes représentent 20 % des officiers jusqu’au grade de commandant. Puis cette proportion s’écroule à 10 % pour les colonels et les généraux (en intégrant les chiffres des services de santé et du commissariat à l’armement, où les femmes sont proportionnellement surreprésentées). La justification par la « maternité » paraît dépassée. Aussi, la réponse administrative ne peut qu’être une première marche.

Questions sans réponse

Le rapport de l’inspection générale des armées doit d’abord permettre d’objectiver les faits. Construire des réponses appropriées commande d’y voir clair. J’ai adressé, en mars et en avril, une série de questions précises dans le cadre du contrôle parlementaire : chiffrage des violences sexuelles, sexistes et racistes, comparaison avec l’activité de la cellule Thémis [créée en 2014 pour le signalement des faits de violences sexuelles, sexistes et de discrimination], nombre et typologie des sanctions administratives, par corps, déclenchement par des supérieurs de l’article 40 du code de procédure pénale, nombre de victimes ayant quitté l’institution avant la fin de leur contrat… J’ai également questionné le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, sur le nombre de compositions pénales (évitant le contradictoire) ou encore sur les sanctions pénales prononcées. Ces questions demeurent, à ce jour, sans réponse.

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