- Les organisations syndicales, qui s’opposent aux futures orientations budgétaires annoncées cet été, promettent une « journée noire » le 18 septembre prochain.
- À quoi faut-il s’attendre ? Les syndicats parviendront-ils à effacer l’échec du mouvement contre les retraites en 2023 ?
- TF1info a contacté l’historien Stéphane Sirot, spécialiste des syndicats et de l’histoire des mouvements sociaux, pour en savoir plus.
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Budget 2026 : quelle nouvelle feuille de route après la chute de Bayrou ?
Une « journée noire »
. C’est le mot d’ordre. Les huit principaux syndicats défileront à nouveau ensemble ce jeudi 18 septembre, une première depuis le 6 juin 2023, date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites. Cette fois, les organisations syndicales appellent à une journée de mobilisation pour protester contre les mesures budgétaires « brutales » (nouvelle fenêtre) annoncées cet été. Après avoir promis des « ruptures sur le fond »
, Sébastien Lecornu, le nouveau Premier ministre, a reçu tous les leaders syndicaux – hormis Force ouvrière, dont l’entretien est prévu le 22 septembre).
L’abandon de la controversée suppression de deux jours fériés (nouvelle fenêtre) n’a pas suffi à les convaincre, puisque ces derniers ont maintenu leur appel à la mobilisation, avec l’ambition de peser sur les futures orientations budgétaires. À quoi s’attendre ce jeudi 18 septembre ? Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l’affluence du mouvement citoyen « Bloquons tout » qui avait rassemblé, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, un peu moins de 200.000 personnes le 10 septembre ? TF1info a contacté l’historien Stéphane Sirot, spécialiste des syndicats et de l’histoire des mouvements sociaux, pour en savoir plus.
Le mouvement du 10 septembre a créé une dynamique qui va sans doute s’amplifier le 18
Le mouvement du 10 septembre a créé une dynamique qui va sans doute s’amplifier le 18
Stéphane Sirot
Selon vous, le mouvement du 10 septembre a instauré une dynamique sur laquelle peut s’appuyer l’intersyndicale ?
Certes, sur la forme, les pratiques divergent. Mais, sur le fond, la mobilisation du 10 et celle du 18 se rejoignent. L’élément catalyseur de « Bloquons tout » était le projet de budget de François Bayrou. Le mouvement du 10 septembre a créé une dynamique qui va sans doute s’amplifier le 18. Ce n’est pas pour rien qu’une partie des organisations syndicales a apporté une forme de soutien au mouvement « Bloquons tout » et que les autres ne l’ont pas non plus explicitement condamné. Cela montre bien que les deux mouvements se percutent. Ils se percutent ne serait-ce que par la date choisie. Au départ, l’intersyndicale était plutôt partie pour mobiliser au mieux fin septembre. Finalement, elle a accéléré son calendrier. Elle ne pouvait pas appeler à se mobiliser le 10 dans la mesure où dans l’intersyndicale il y a des organisations qui ne se reconnaissaient pas dans ces formes de mobilisation. La date du 18 septembre permet de ne pas se placer dans le sillage de ce mouvement, mais sans trop s’en éloigner.
Pour qu’un mouvement puisse avoir un impact et s’inscrive dans la durée, sans apport syndical, c’est impossible selon vous ?
Mobiliser en masse nécessite une forme d’expertise, de savoir-faire, qui est celui des organisations syndicales. Le 10 septembre n’était pas un samedi, comme c’était le cas au début du mouvement des Gilets jaunes. Pour se mobiliser en semaine, il faut quitter son travail et donc recourir à la pratique de la grève. Et donc, cela montre bien que pour qu’un mouvement puisse se survivre à lui-même, les organisations syndicales ont un rôle tout à fait crucial. Cela ne me surprendrait pas qu’au soir du 18, il puisse y avoir un appel à une nouvelle mobilisation de la part de l’intersyndicale.
L’émergence de mouvements citoyens qui prennent racine en ligne, à l’instar des « Gilets jaunes » ou plus récemment de « Bloquonstout », n’est-il pas finalement le symptôme de l’impuissance des syndicats à faire plier l’exécutif ?
On retrouve ce sentiment chez ceux qui sont les plus éloignés du champ syndical. Que voient-ils ? Une spirale d’échec. La dernière grande victoire syndicale, c’était en 1995, au moment des débats sur les régimes spéciaux et la question des retraites. Par conséquent, une partie de l’opinion publique voit les organisations syndicales comme des machines capables de mobiliser, mais qui sont incapables d’enrayer les projets politiques contre lesquels elles se battent. Et donc, cela envoie le message qu’utiliser des méthodes plus transgressives pourrait s’avérer plus efficace, puisque les pratiques qu’utilisent les syndicats, à savoir la manifestation et la grève, ne font plus peur au pouvoir politique. Mais l’exécutif a aussi sa part de responsabilité en refusant de chercher des compromis ou en cherchant à faire passer en force. Il envoie lui-même le message que le mode d’action utilisé par les Gilets jaunes serait le plus efficace.
En 2023, le mouvement contre la réforme des retraites avait mobilisé plus d’un million de personnes pendant plusieurs mois, sans faire reculer pour autant l’exécutif. En quoi serait-ce différent pour le budget 2026 ?
Du point de vue syndical, il y a une fenêtre de tir, car vous avez la conjonction d’un contexte socialement favorable et politiquement favorable, au sens où l’exécutif est très affaibli. Les organisations syndicales ont l’occasion de redorer leur blason et de mettre fin à cette spirale de l’échec à laquelle elles sont confrontées depuis 20 ans. On sent bien qu’elles sont quand même assez énervées. La CFDT a refusé une nouvelle négociation sur les retraites, alors que c’est une organisation profondément ancrée dans un syndicalisme de partenariat social et qui est prête à faire de très fortes concessions par rapport à ses propres engagements. C’est tout de même significatif de la perte de confiance vis-à-vis du pouvoir politique et aussi d’un certain agacement, y compris des organisations syndicales les plus modérées.