Le Premier ministre canadien doit se rendre mardi à Washington pour y rencontrer le locataire de la Maison Blanche, qui multiplie depuis des mois les saillies contre son pays.
Donald Trump se dit même prêt à annexer le Canada, pour en faire le 51ᵉ État américain, ce que rejette vivement le gouvernement voisin.
Partisan d’une ligne ferme face à l’administration américaine, Mark Carney veut malgré tout parvenir à maintenir un lien avec les États-Unis.
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Le second mandat de Donald Trump
Après des mois de tension, la perspective d’une accalmie ? Le président américain Donald Trump, qui s’en prend régulièrement au gouvernement canadien depuis son retour au pouvoir en janvier, doit recevoir mardi 6 mai son Premier ministre Mark Carney (nouvelle fenêtre) à Washington. Face aux menaces répétées d’annexion de la part de la Maison Blanche, le dirigeant canadien, qui a pris ses fonctions depuis un mois et demi à peine, a durci le ton, tout en voulant préserver une forme de « coopération » avec son voisin. Une ligne délicate qu’il tentera de défendre lors d’un rendez-vous qui s’annonce d’ores et déjà crucial.
Mark Carney, qui vient tout juste de remporter les législatives au Canada, avait indiqué vendredi sa venue à Washington, lors de sa première conférence de presse après sa victoire électorale. « Nous nous concentrerons à la fois sur les pressions commerciales immédiates et sur les futures relations économiques et de sécurité plus larges entre nos deux nations souveraines », avait-il assuré, ajoutant que la relation entre les deux voisins serait la « priorité immédiate » de son gouvernement.
Les États-Unis avaient tardé à le féliciter pour sa victoire, ne le faisant qu’au lendemain de celle-ci. « Les relations entre les États-Unis et le Canada restent l’une des plus développées au monde », avait toutefois souligné à la presse la porte-parole du département d’État, Tammy Bruce. Avant d’assurer que Washington se « réjouit de travailler » avec Ottawa sur « des questions clés telles que l’équité commerciale, la lutte contre l’immigration clandestine, l’arrêt de la circulation du fentanyl » notamment.
Donald Trump défend toujours son « formidable » projet d’annexer le Canada
Un ton apaisé en apparence, mais qui n’éclipse pas les tensions lancinantes depuis des mois entre les deux pays, la Maison Blanche multipliant les attaques contre son voisin. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump fustige sans arrêt un déséquilibre commercial à la faveur d’Ottawa, à qui il a imposé des droits de douane (nouvelle fenêtre) sur l’automobile et l’acier notamment. Surtout, il martèle sa volonté d’annexer le Canada et d’en faire le 51ème État américain (nouvelle fenêtre), déclenchant la colère de ce dernier. D’un ton provocateur, il qualifiait ainsi régulièrement le prédécesseur de Mark Carney, Justin Trudeau, de simple « gouverneur ».
Mais ces derniers jours, le tempétueux milliardaire a semblé, comme à son habitude, souffler le chaud et le froid. Dans une interview à la chaîne NBC (nouvelle fenêtre) dimanche, il a indiqué avoir appelé Mark Carney, qu’il a félicité pour sa victoire et qu’il a décrit comme « très gentil », tout en maintenant sa volonté d’annexer le Canada. Interrogé quant à savoir si ce projet surréaliste serait au menu des discussions lors de la rencontre, il a assuré qu’il en « parlerai(t) toujours ».
Le locataire de la Maison Blanche a aussi martelé que les États-Unis formeraient un « beau pays » s’ils parvenaient à absorber son voisin (nouvelle fenêtre) : « ce serait formidable », a-t-il lancé. En revanche, il a estimé qu’il était « très improbable » que Washington recourt à la force contre le Canada, estimant « que nous n’en arriverons jamais là ». Mercredi, il affirmait devant les journalistes que Mark Carney était le candidat canadien qui le « déteste le moins », par rapport à son rival conservateur Pierre Poilievre. « Je pense qu’on va avoir une très bonne relation », a-t-il même lancé, cité par Radio Canada International (nouvelle fenêtre).
La rupture actée par Mark Carney, qui veut toutefois inaugurer une nouvelle page
De son côté, le nouveau Premier ministre canadien a fait campagne en promettant de triompher des États-Unis (nouvelle fenêtre) dans la guerre commerciale lancée par le milliardaire républicain, et de ne jamais oublier la « trahison » américaine. Cet ancien banquier central, qui n’a jamais été élu auparavant, a promis vendredi de lancer la plus grande transformation de l’économie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour construire un pays « fort », capable de faire face à son voisin. Il a aussi réaffirmé la « souveraineté » de son pays, en réponse aux velléités de Donald Trump.
Mais il a toutefois défendu une forme de pragmatisme vis-à-vis de la Maison-Blanche. Selon lui, l’ancienne relation entre les deux pays fondée sur « une intégration croissante » est « terminée », et « les questions qui se posent maintenant sont de savoir comment nos nations vont coopérer à l’avenir ». Il a indiqué se rendre à Washington « avec l’espoir de discussions constructives – difficiles, mais constructives », cité par CBC/Radio-Canada (nouvelle fenêtre). Tout en prévenant qu’il ne fallait pas s’attendre à de la « fumée blanche » à l’issue de la rencontre de mardi.
Par ailleurs, suite à l’appel entre les deux hommes après la victoire de Mark Carney, le bureau du Premier ministre canadien avait affirmé dans un communiqué que « les dirigeants ont convenu de l’importance pour le Canada et les États-Unis de travailler ensemble – en tant que nations indépendantes et souveraines – pour leur amélioration mutuelle », selon la même source. Reste à savoir si le dirigeant américain, qui aime multiplier les voltefaces, restera lui aussi sur cette ligne lors de la rencontre.