A trois heures de route de Tallinn, la capitale estonienne, le camp Reedo n’apparaît qu’au dernier virage d’une route de terre tracée au milieu des pins. Nous sommes à moins de trente kilomètres à vol d’oiseau de la Russie. Cette base militaire est la première à sortir de terre, en Estonie, depuis la fin de l’ère soviétique, en 1991. Elle doit accueillir des soldats américains dès 2025. Au milieu d’un terrain tout juste déboisé et bitumé, des dizaines de hangars ont été aménagés au pas de charge : quatorze mois seulement séparent la décision d’amorcer les travaux, à l’été 2023, et l’inauguration, qui a eu lieu, le 17 septembre, à l’ombre des drapeaux de l’Estonie, de l’Union européenne et de l’OTAN.

Alors que les principales emprises militaires estoniennes se trouvaient jusqu’à présent dans le nord du pays, près de la mer Baltique, Reedo marque le souhait des Estoniens de renforcer la présence militaire sur leur flanc sud, le plus exposé, selon eux, à l’expansionnisme russe. « Nous faisons tout cela pour une seule raison : assurer la sécurité de l’Estonie et de ses alliés », souligne le jour de l’inauguration, derrière son pupitre aménagé sur la place d’armes à l’asphalte rutilant, le ministre de la défense estonien, Hanno Pevkur.

Le camp s’inscrit dans les nouveaux plans militaires de l’OTAN, arrêtés en juillet 2023. Leur objectif est d’empêcher la moindre incursion des Russes sur le « sol otanien » afin d’éviter la politique du fait accompli, comme dans le cas ukrainien. « La stratégie est claire : ne pas les laisser rentrer », souligne M. Pevkur. « Notre présence ici et celle de nos alliés envoient un message de dissuasion très clair à la Russie : nous sommes ensemble. Attaquer un pays signifie les attaquer tous, et la riposte viendra de tous », ajoute-t-il.

Présence américaine renforcée

Alors que l’automne approche, la rapidité d’exécution du chantier semble avoir pris de court les résidents des datchas environnantes. Leurs maisonnettes, situées autrefois aux abords d’un lac tranquille, jouxtent désormais des routes empierrées où circuleront bientôt des colonnes d’engins militaires. A terme, l’emprise de Reedo devrait même faire partie d’un vaste camp d’entraînement déjà existant baptisé « Nursipalu », dont la surface doit tripler dans les prochains mois pour passer à 10 000 hectares, soit l’équivalent du camp de Mourmelon (Marne) utilisé par l’armée française.

Hanno Pekvur, ministre de la défense estonien, au camp Reedo, en Estonie, le 17 septembre 2024.

Jusqu’ici, les quelque 500 soldats américains amenés à investir, les premiers, les nouvelles installations étaient hébergés dans des conteneurs bleus alignés à quelques kilomètres de là, sur la base de Taara, un ancien complexe datant de l’époque soviétique. Ces soldats ont commencé à arriver en Estonie fin 2023, dans la foulée de la signature d’un accord de coopération bilatérale passé entre Tallin et Washington. Depuis, leur présence n’a cessé de se renforcer, et les murs de Taara sont devenus trop étroits.

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