La société française fait face à un enjeu historique. Dans quelques jours, les députés débattront d’une proposition de loi visant à introduire la notion de consentement dans la définition du viol et de l’agression sexuelle.

Nous sommes tous deux, l’une procureure au Canada, l’autre juge en France, appelés à intervenir dans ce domaine. Nous parlons la même langue, celle du droit, mais le traitement de ces infractions est très différent des deux côtés de l’Atlantique.

Nous dressons un même constat : les violences sexuelles font partie du quotidien de trop nombreuses femmes et enfants, le plus souvent commises par des partenaires intimes, des amis, des parents, des personnes qui abusent d’un lien de confiance ou d’autorité. L’immense majorité des violences sexuelles ne sont pas commises par des étrangers sortant de l’ombre.

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A quoi sert le droit pénal ? A poser des valeurs que la société doit protéger en sanctionnant les comportements qui y sont contraires. Pour préserver sa légitimité, il doit répondre à ces réalités et mieux y répondre. L’état actuel du droit français, qui présume le consentement plutôt que de s’en assurer, ne rencontre plus les attentes de notre société. La notion de consentement est une étape nécessaire, un pas vers un droit qui protège réellement nos valeurs les plus profondes : le respect de la dignité humaine et de l’intégrité corporelle et psychique.

Lutter contre les préjugés

Il y a plus de trente ans, le droit criminel canadien a connu une transformation profonde dans sa manière d’appréhender ces infractions. La Cour suprême du Canada a reconnu que le droit, dans sa pratique et sa substance, loin d’être un espace neutre, est empreint de l’histoire de sa société, de « mythes et de stéréotypes », de préjugés qui découragent les tribunaux à condamner, les procureurs à poursuivre, les victimes à dénoncer.

Face à ce constat, le droit et sa pratique ont changé. La notion de consentement a été clarifiée. Il s’agit de l’accord volontaire à l’activité sexuelle qui doit être concomitant de celle-ci et ne peut être donné que par la personne concernée, consciente, libre et capable d’exprimer son consentement. Il n’y a pas de consentement valable si l’accord est donné par un tiers, si la personne est inconsciente ou est incapable de former un consentement, si le mis en cause a abusé de son pouvoir ou de la confiance qui lui était accordée ou si la personne a manifesté par ses paroles ou son comportement son absence d’accord ou son changement d’avis.

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