C’est une anecdote que j’avais oubliée. Au début des années 1980, à la suite d’un pari perdu, des amis ont imaginé un gage fantaisiste : je devais aller me garer avec ma 125 cc de l’époque sous l’Arc de triomphe et allumer une cigarette à la flamme du Soldat inconnu. Mes deux compères flânaient en touristes sous l’Arc, tandis qu’assez simplement je franchissais le trottoir et roulais droit sous la tutelle du Génie de la Liberté sculpté par Rude pour aller béquiller ma moto. Puis j’ai sorti nonchalamment une cigarette en me dirigeant vers la flamme. Au moment où je me penchais, un agent – policier ou gendarme, je ne sais plus – est sorti de sa guérite et m’a interpellé, m’informant que je ne pouvais pas me garer là ni allumer ainsi une cigarette et que je devais m’en aller immédiatement.

J’ai donc fait demi-tour et suis reparti à moto, avec le sourire et la conscience tranquille d’avoir rempli mes obligations.

En apprenant la condamnation d’un homme à trois mois de prison avec sursis pour avoir allumé sa cigarette à cette même flamme, ce souvenir m’est immédiatement revenu, et je ne me suis pas dit que je m’en étais bien tiré à l’époque, mais que, décidément, des choses avaient bien changé.

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Je peux bien comprendre et j’ai bien compris depuis qu’il y a des « choses qui ne se font pas » quand elles sont supposées faire société, et que ces « interdits » symboliques font partie de notre vivre-ensemble.

Dont acte, mais de là à ce que l’Etat perde son temps et notre argent à condamner un quidam en pleurs reconnaissant avoir commis la « bêtise du siècle » – formule un peu outrée, d’autres ont déjà fait bien pire depuis vingt-cinq ans – et le regrettant « amèrement », je me dis qu’il se trompe ou essaie de nous tromper en théâtralisant une histoire sans aucun intérêt.

Modification du sentiment de sécurité

Sans entrer dans une interprétation psychanalytique de l’interdit, son sens et ses limites, le fait d’avoir tenté d’allumer ma cigarette à la flamme n’a pas fait de moi un ennemi de la République, et je n’ai pas de raison d’imaginer que cet homme maintenant condamné aurait fait bien pire à la prochaine occasion.

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