D’un côté, il y a les études scientifiques, les notes de prospective économique ou les rapports sanitaires qui soulignent la nécessité d’une transition énergétique et écologique. De l’autre, il y a un obstacle qui paralyserait l’action et entraverait les dirigeants. « Les Français n’en veulent pas… », entend-on régulièrement dire les responsables politiques. S’ensuivent de longues conversations sur la fronde des « gilets jaunes » ou sur la récente crise agricole qui a traversé de nombreux pays européens au début de l’année.
Peu importe que ces convulsions aient eu de multiples causes – le pouvoir d’achat, la défiance contre les élites, contre l’Union européenne, la baisse des rendements, etc. –, les contraintes écologiques auraient servi de détonateurs. Au pouvoir, les ministres macronistes, comme de nombreux présidents de collectivités, préfèrent exclure toute idée de contraintes trop fortes à l’avenir pour préserver le « mode de vie » des Français.
Et tant pis si l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou le Secrétariat général à la planification écologique ne cessent de répéter que des évolutions seront nécessaires sur la façon de se déplacer, de se nourrir ou de se loger. Tant pis aussi si de nombreux sondages montrent une vraie inquiétude des Français au sujet du réchauffement climatique et une approbation de certaines réformes…
Mesurer la défiance
Pour mesurer concrètement la défiance des Français, trois doctorants au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, Théodore Tallent, Malo Jan et Luis Sattelmayer, ont réalisé une expérience simple. Ils ont demandé à ajouter deux questions au Baromètre écologie environnement, une enquête de Sciences Po consacrée aux attitudes face au changement climatique.
A 2 641 personnes, ils ont demandé ce qu’ils pensaient de la limitation de la vitesse à 110 kilomètres-heure sur l’autoroute et de l’interdiction des vols intérieurs si une alternative en train de moins de cinq heures existe. Ces deux initiatives, considérées comme très irritantes par le personnel politique, avaient été proposées au président de la République par la convention citoyenne pour le climat en 2020. L’abaissement de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur les routes nationales avait aussi été vu comme un des déclencheurs de la crise des « gilets jaunes ». Ces deux évolutions sont soutenues par 49 % et 80 % des sondés.
Mais les chercheurs ont eu l’idée de tester le panel en ajoutant des mesures dites « symboliques ». Comment réagirait cet échantillon représentatif si ces décisions obligeaient les ministres à prendre le train pour leurs déplacements en même temps qu’elles leur interdisaient l’utilisation des jets privés ? Sur la limitation de la vitesse, le soutien bondit à 75 % quand les ministres font leur part d’efforts, et à 83 % quand les riches se voient privés de l’utilisation de leur avion personnel.
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