Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, avait placé la présidence tournante de l’Union européenne, que son pays occupait au second semestre 2024, sous le signe MEGA, Make Europe great again (« rendre sa grandeur à l’Europe »), comme un défi lancé à l’Europe qu’il abhorre. Le retour tonitruant à la Maison Blanche de Donald Trump, père du slogan MAGA, Make America great again, et phare des extrêmes droites européennes, imposait donc que le sommet de Patriotes pour l’Europe, troisième groupe au Parlement européen, samedi 8 février, à Madrid, fasse sien, à son tour, le cri de ralliement MEGA.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Madrid, l’extrême droite européenne s’inscrit dans les pas de Donald Trump

Assiste-t-on pour autant à la formation de cette « internationale réactionnaire » dénoncée par le président Emmanuel Macron ? Une filiale européenne du trumpisme est-elle en train d’émerger ? L’atmosphère triomphaliste dans laquelle a baigné cette réunion publique, accueillie par le parti espagnol d’extrême droite Vox, s’explique incontestablement par le vent puissant qui souffle d’outre-Atlantique. La croisade libertarienne du président argentin, Javier Milei, qui a adressé un message de soutien par vidéo à ses frères de combat européens, et l’ouragan Trump ont donné aux leaders nationaux-populistes européens présents le sentiment que l’heure de la « reconquista » – un terme utilisé par plusieurs d’entre eux – était arrivée sur le Vieux Continent.

Au terme « reconquête », Marine Le Pen, fondatrice du Rassemblement national (RN), a préféré celui de « renaissance », pour des raisons sans doute hexagonales. Elle voit dans le « défi de puissance » que représente la victoire de Trump « une exhortation à une existence dans le monde qui vient, dans l’histoire qui s’écrit ».

Points de discorde

Comme d’autres orateurs, cependant, Mme Le Pen n’a pas échappé aux contradictions qui ont marqué les discours de plusieurs de ces dirigeants d’extrême droite. Il y a, bien sûr, les points qui les rassemblent, de Viktor Orban à Matteo Salvini, chef de la Ligue italienne, du néerlandais Geert Wilders au tchèque Andrej Babis : le rejet de l’immigration et le discours anti-islamique, l’opposition aux normes environnementales et au Green Deal européen, le combat contre le « wokisme » et le multiculturalisme.

Mais il y a aussi les points de discorde, et ceux que certains d’entre eux ont préféré passer sous silence. Viktor Orban a attaqué les dépenses engagées par l’Europe pour soutenir l’Ukraine dans « une guerre sans espoir », un sujet que les autres ont soigneusement évité. Santiago Abascal, le chef de Vox, a exprimé son soutien à Alice Weidel, la candidate du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), mais n’a pas été suivi par ses amis européens, qui considèrent l’AfD comme toxique au Parlement européen. Aucune mention n’a été faite de l’intention du président Trump d’imposer des droits de douane à l’Europe, ni de sa proposition d’expulser 2 millions de Palestiniens de Gaza, ni de sa demande d’un doublement des dépenses de défense des Européens, ni de la mainmise de l’oligarchie numérique sur l’Etat fédéral américain. Marine Le Pen, pour sa part, a évité d’aborder une vision économique libérale éloignée du programme du RN.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Brême, à trois semaines des législatives : « Il n’y a plus rien d’allemand ici, tout est entre les mains des Turcs »

A l’heure où certains politiques de centre droit, comme le chef de l’Union chrétienne-démocrate allemande, Friedrich Merz, risquent un rapprochement controversé avec l’extrême droite, le « sommet des MEGA » a montré les ambiguïtés de la dynamique de ses leaders : en se plaçant dans la lumière de Trump, ils braquent aussi le projecteur sur le malaise que provoque leur association aux politiques MAGA les plus radicales.

Le Monde

Réutiliser ce contenu
Partager
Exit mobile version