Un certain parfum d’histoire politique, de culot artistique, d’émancipation urbaine et d’affirmation 
des identités flottait sur la capitale à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, le 26 juillet.

Il se murmure que certains Parisiens, pressés de quitter la ville à l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, ont fini par le regretter. Sans doute craignaient-ils de se sentir prisonniers de l’atmosphère étouffante que ne manquerait pas de susciter ce grand événement sportif les privant, avec son cortège d’enthousiasme bruyant et de contraintes sécuritaires, d’un usage de la ville qu’ils préfèrent exclusif. Ils comprirent, mais un peu tard, qu’ils s’empêchaient du même coup d’humer un certain air de liberté. Ce parfum paradoxal enivrait la ville, depuis que la cérémonie d’ouverture du 26 juillet en avait délivré les imaginaires, puisant dans l’histoire longue des expériences politiques qui associent audace créative, émancipation urbaine et affirmation individuelle.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Réinventons la ville », septembre 2024, en vente dans les kiosques ou sur le site de notre boutique.

Car ils viennent de loin, ces imaginaires historiques, de plus loin encore que ceux qui associent la cohue urbaine à ces « embarras de Paris » que déplorait au XVIIe siècle le poète Nicolas Boileau : « Tout conspire à la fois à troubler mon repos,/Et je me plains ici du moindre de mes maux. » Telle est la complainte des encombrements de la grande ville, si irrespirable, au sens propre, qu’elle ne peut inspirer aux plus lucides des citoyens qu’un désir de fuite : il faut quitter la ville pour regagner sa liberté, et réinventer sa propre vie en quelque endroit écarté.

Pétrarque, un autre poète, mais italien celui-ci, l’écrivait déjà en 1346 dans sa Vie solitaire, aspirant à se retrancher du vacarme de la cité pour protéger une intériorité qui ne peut être libre que dans la solitude. Deux ans plus tard, lors de la grande épidémie de peste noire, les plus fortunés des citadins européens pouvaient le prendre au mot, en se protégeant des miasmes mortifères dans le refuge de villas plaisantes où, comme les jeunes gens bien nés mis en scène par ­Boccace dans le Décaméron, ils se racontent leurs propres histoires.

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Mais quelle est l’histoire générale que narre la ville elle-même, lorsque l’on consent à se plonger dans ce grand corps urbain que les géographes définissent aujourd’hui comme un espace humain caractérisé à la fois par la densité et par la diversité ? Une histoire, précisément, faite de fragments divers du passé densément assemblés. Convoquons encore une fois une image de la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 : lorsque la chanteuse lyrique Marina Viotti, juchée sur une nef de carton-pâte passant devant la Conciergerie, entonne un air du Carmen de Bizet sur fond hard-rock du Ah ! Ça ira de Gojira, elle exprime cette explosivité révolutionnaire qui gronde sous le nom de « Commune ».

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