Deux scandales de diffusion d’images obscènes et sexistes ont bouleversé l’Italie, cet été. D’une part, la mise en ligne, sur Facebook, de photographies intimes et volées de femmes par des hommes de leur entourage ; d’autre part, la médiatisation d’un forum consacré à des contenus sexualisant des femmes, anonymes ou personnalités publiques, avec près de 200 000 membres.

Ecrivaine et philosophe féministe italienne, Michela Marzano est professeure à l’université Paris Cité. Son travail porte notamment sur la notion de consentement, sur le corps et sur la dignité humaine. Pour cette spécialiste de philosophie morale, le retard qu’accuse l’Italie en matière de discrimination de genre s’ancre dans un héritage fasciste toujours présent.

Deux sites mettant en scène de manière obscène de nombreuses femmes comptaient des dizaines de milliers d’inscrits avant leur fermeture, fin août. Parmi les victimes de l’un d’eux figurent des responsables politiques de premier plan, dont la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni. Quels mécanismes expliquent ce phénomène ?

Bien qu’ayant travaillé pendant des années sur la prégnance de la culture du viol dans les sociétés occidentales, et dans la société italienne en particulier, j’ai été frappée par l’ampleur du mouvement. Un des groupes Facebook, fermé le 20 août, a atteint 32 000 membres. On ne peut pas parler d’un phénomène marginal.

Derrière, on trouve la prégnance, au sein de la population masculine, de la conviction implicite selon laquelle les corps et les images des femmes leur appartiennent. La page principale qui publiait à leur insu des photos de femmes et de jeunes filles anonymes était baptisée « Mia Moglie » (« mon épouse », en italien). Cela illustre avec éloquence cette idée de possession, de suprématie masculine. Si les hommes n’ont pas besoin de demander la permission pour agir dans d’autres domaines, pourquoi le feraient-ils quand le corps féminin est concerné ?

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